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Rencontres fortuites au Salon du Livre 2012 par Jules Félix

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La trente-deuxième édition du Salon du Livre de Paris a été un succès avec plus de cent quatre-vingt-dix mille visiteurs, plus de trente-six mille cinq cents jeunes qui ont profité de la programmation dynamique animée par des auteurs et illustrateurs, et par la venue de plus de douze mille étudiants. Comme d’habitude, j'y vais, chaque année, en deux fois, un peu comme les rasoirs à double lame. Une première fois pour voir un peu l’ensemble et une seconde fois pour aller voir quelques auteurs. Inutile de dire que cela fait un peu zoo, où les écrivains sont les animaux, et les cages les tables de dédicaces. Comme dans tous les zoos, il y a des animaux super-attractifs et d’autres qui sont un peu seuls (ils ont plus de chance, ils peuvent vivre tranquille, eux). J’avais donc fait un premier repérage le jeudi 15 mars 2012 ici : http://www.pointscommuns.com/de-la-chambre-au-salon-commentaire-musique-101970.html Ma seconde sortie porte de Versailles a donc été plus dans la foule, puisque c’était le dimanche 18 mars 2012 après-midi. Un dimanche où la foule avait également envahi Nation et Bastille. Je m’y suis rendu de 15h14 à 16h50 de manière assez improbable (il pleuvait beaucoup et je revenais d’une expo), et j’ai eu une petite surprise. Voici donc par le détail les différents "auteurs" que j’ai croisés sur ma route entre les stands. Comme pour les précédentes fois, je mets à côté de l’auteur soit un (00) qui signifie qu’il y avait personne autour de lui et qu’il s’ennuyait ou papotait avec ses voisins, (0) qu’il y a une ou deux personnes qui discutaient avec lui, et ($$) qui signifie que l’auteur était très demandé, avec une queue à son stand pour les dédicaces. C’est souvent un bon moyen de sentir l’audience de certains auteurs (j’en ai découvert comme cela ; par exemple, sans le Salon du Livre, je n’aurais même pas su l’existence de Guillaume Musso). À 15h20, Erik Orsenna ($$) se tenait toujours très droit, avec pas mal de lecteurs autour de lui. À 15h25, je suis arrivé au niveau de Jean d’Ormesson ($$). Petit homme recroquevillé, quatre-vingt-sept ans déjà, et toujours le sourire séducteur et l’esprit alerte, il était envahi d’une foule qui attendait sagement. À 15h32, à côté du vieil académicien, une très jeune et belle fille, Mazarine Pingeot (0), visiblement intelligente, qui s’ennuyait à en mourir au point qu’elle ne montrait aux passants que ses cheveux et son dos car elle parlait à une voisine à l’intérieur du stand. Heureusement, un photographe professionnel est arrivé pour lui prendre quelques clichés, ce qui lui apporta pas mal de badauds. Eh oui, dans ces instants assez hésitants entre indifférence complète et folie fanatique des disciples, je me dis qu’il y a sûrement des opérations comiques à faire. Par exemple, tu peux te vêtir en beau, avec costume cravate, histoire d’avoir l’air important, tu prends quelques amis, trois ou quatre, qui t’entourent avec plein de caméras et d’appareils photo, un peu de mouvement, et je suis sûr qu’en cinq minutes de marche le long des stands, tu auras une foule de badauds qui se demanderont qui tu es ou, on ne sait jamais, qui te prendront en photo. Je le sais, j’ai déjà pris en photo des gens au Festival de Cannes que je ne connaissais pas, et si cela se trouve, j’ai pris le concierge du palais. À 15h36, j’ai aperçu assis derrière une table un homme qui ne m’était pas inconnu, dont j’avais déjà vu plusieurs fois le visage à la télévision, plutôt antipathique, qui n’avait aucun lecteur à se mettre sous la main mais qui, fort heureusement, avait un sujet de conversation avec son voisin également auteur (inconnu). Il s’agit de… Michel Maffesoli (00), le soi-disant philosophe ou sociologue plutôt, qui a eu l’odieuse honte d’avoir donné à l’astrologue Élisabeth Tessier son onction universitaire en dirigeant sa thèse sans intérêt faite de bric et de broc. Heureux, donc, qu’il n’avait aucune audience à son stand. Eh puis, à 15h45, alors que je me promenais délicatement le long des couloirs, j’ai vu une sorte de masse bruyante en face de moi, une sorte de marée humaine qui progressait vers moi avec renfort de caméras, d’appareils photos, de longues perches pour les micros etc. Lorsque l’onde est arrivée à mon niveau, que les premiers cercles s’écartaient face à moi, j’ai deviné un petit homme, oui, cet homme-là aussi est petit, le sourire large, les yeux un peu surpris par cette magie, comme un enfant qui découvre ses cadeaux de Noël après une longue attente, et très bien habillé, le costume bleu foncé très présidentiel. J’ai eu à peine le temps de dire ouf que sa main se tendait et je n’ai eu que le réflexe poli et sociable de la lui prendre et de la serrer. Peut-être avais-je serré la pince du futur Président de la République ($$). Impossible encore de savoir. C’était trop tôt. Je me suis dit que j’aurais pu avoir dans ma main une seringue avec du poison et l’assassiner ainsi. Les gardes du corps étaient très discrets. Je n’avais pas de paquet de farine sous la main, mais c’était très inutile, car cet homme respirait la sympathie. Je me suis mis alors à penser à son concurrent direct. Est-ce que le Président sortant pourrait, lui aussi, venir au Salon du Livre serrer quelques paluches ? Bon, d’abord, il faudrait qu’il eût sorti un bouquin, c’est vrai, mais je pense qu’il aurait alors pris trop de risque, tant la haine pourrait se croiser au coin d’un stand. Ici, aucune foule n’était sous contrôle. Se faire huer aurait donné une image déplorable. Comme à Bayonne. À 15h49, j’ai repris mes esprits auprès de Jean-François Kahn (0), journaliste bien connu, qui papotait debout passionnément avec un lecteur et d’Hervé Gaymard (0), l’ancien ministre épinglé pour un appartement immense pour sa grande famille, qui a regardé d’un œil sourire un Corto Maltesse géant qui se baladait devant lui. J’ai vu aussi l’auteur de thriller, comme on dit, Bernard Minier ($$) qui dédicaçait consciencieusement. Un peu plus loin, à 15h53, il y avait Jean-Louis Debré (0) qui discutait en fronçant les sourcils avec probablement un étudiant ou qui s’ennuyait tout seul à sa table, avec sa bel écharpe autour de sa veste. Pourtant, l’homme n’est pas n’importe qui. C’est lui qui proclamera les résultats de l’élection présidentielle dans quelques jours. Il préside le conseil constitutionnel et a présidé l’assemblée nationale. Fils de Premier Ministre, il fut aussi un ministre de l’Intérieur pas très crédible mais a très bien présidé les députés. Pour lui, sa famille, le service à l’État n’est pas une expression vaine. Ancien juge d’instruction, passionné par la politique, il a sorti un nouveau roman de politique fiction, enfin, pas si fiction que cela car sous une vitrine de faux, il a décrit du vrai. Il a une véritable passion pour l’écriture et a déjà prévenu qu’il avait rempli des carnets entiers au cours de sa trajectoire politique, mais ne les publierait pas avant sa mort ou celle des principaux protagonistes (j’imagine Chirac). Dans le même espace éditeur, à 15h57, j’ai aperçu également Fabrice d’Almeida (00), qui présente quelques émissions télévisées dont je n’ai pas encore compris la valeur ajoutée, ainsi que le politologue Roland Cayrol (0) qui était en pleine discussion probablement avec un étudiant aussi. À 16h00, j’ai vu une queue pour atteindre la romancière Katherine Pancol ($$) qui a un visage très américain, pourtant, elle est française née au Maroc. Renseignements pris, elle a vécu une dizaine d’années à New York et fait partie des dix écrivains les plus achetés en France en 2011, avec un million deux cent mille exemplaires vendus, devant Marc Levy, Guillaume Musso et Anna Gavalda. Faut le faire ! À 16h02, j’ai découvert une table avec deux personnes derrière qui discutaient en attendant d’avoir des clients, ce sont pourtant des célébrités mais peut-être un peu oubliées : Paul-Loup Sulitzer (00), que je croyais malade depuis 2004 (un AVC) mais apparemment, il a sorti un nouveau bouquin récemment, et …Jane Manson (0), qui recevait parfois quelques lecteurs (ou admirateurs). Juste à côté de cette table, il y avait le journaliste François d’Orcival (00) visiblement en pleine discussion avec une jeune femme faisant partie du même stand. J’ai fait un petit passage à 16h07 auprès d’un stand vide et qui, pourtant, avait déjà une énorme foule qui attendait. Juste à côté, à 16h08, j’ai vu Anny Duperey (0), dont les accidents de la vie ont ruiné son visage et qui jouissait de quelques lecteurs venue lui parler. À 16h15, j’ai pris un peu de temps dans le stand sur Moscou. Beaucoup de livres intéressants. Quelle misère de se promener dans les librairies. C’était Gibert qui s’était occupé des deux thèmes du Salon, Moscou et le Japon. J’ai pourtant résisté et j’en suis ressorti sans aucun achat, ouf ! Avant de m’en aller, à 16h38, je suis repassé par le stand vide mais très attendu, juste en bordure des portes de sortie : la bête sauvage était enfin présente, l’air un peu condescendant avec ses lecteurs ou, je devrais dire, ses adorateurs, jouant toujours sur une facilité de saltimbanque… j’ai nommé Stéphane Guillon ($$), mal rasé et l’œil torve, air qu’il veut toujours se donner. J'aurais pu rencontrer d'autres auteurs, en particulier Mathieu Pigasse, Denis Tillinac, Michel Winock, Gérard Courtois ou encore Noëlle Châtelet. Il était temps, pour moi, de partir. La pluie n’avait pas cessé mais déjà, on m’attendait… Ah, au fait, ce dimanche-là, c’était la veille de l’atroce tuerie de Toulouse. Le candidat que j’ai croisé ce jour-là avait décidé de faire comme son concurrent, se taire pendant trois jours, le temps de traquer l’assassin. Il avait perdu quelques points en décidant d’un tel suivisme. Et la marine en a gagné bien plus après en récupérant le fait divers, après avoir gardé silence les premiers jours, de peur que ce fût un de ses sympathisants. Les différents salons : 2008 http://www.pointscommuns.com/sortie-Pointscommuns-Au-Salon-Du-Livre-2371.html http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=67718 http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=67741 http://www.pointscommuns.com/de-la-chambre-au-salon-commentaire-musique-67743.html 2009 http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=77138 2010 http://www.pointscommuns.com/de-la-chambre-au-salon-commentaire-musique-86548.html http://www.pointscommuns.com/lire_commentaire.php?flag=L&id=86486 2012 http://www.pointscommuns.com/de-la-chambre-au-salon-commentaire-musique-101970.html

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