Matin de départ à lécole. Je traîne en pyjama. Maman sénerve à habiller les petits qui chahutent. Téléphone. Maman décroche. Elle me dit : Cest linfirmière. Elle écoute, elle dit :
Oui jarrive. Elle raccroche, rougit, me regarde fixement et crie comme si jétais sourde : Mémère, ça y est, jy vais, occupe-toi des petits.
Mais je ne moccupe pas des petits, je les laisse attablés devant leur bol de céréales et je cours en pyjama vers la petite maison. Mémère est couchée par terre, cramoisie, suffocante. Il y a du caca partout et ça sent très mauvais. Linfirmière est déjà partie. Le médecin va arriver.
Maman téléphone au bureau de Papa : Cest important, dites-lui que la grand-mère de sa mère est au plus mal.
Je magenouille à côté de Mémère, je lui caresse la joue, elle nest ni froide, ni poisseuse, elle est chaude, Mémère est vivante, je dis : Je suis là, Mémère, je suis à côté de toi, le docteur va venir.
Maman crie joyeusement : Prévenez-le, prévenez-le !
Le docteur arrive, me regarde, dit à Maman : Sa place nest pas ici.
Maman, en colère : Veux-tu rentrer à la maison, quest-ce que tu fais ici, tu as laissé ton frère et ta sur tout seuls ?
Le docteur dit : Ce nest rien, cest un coma diabétique.
Maman se met à pleurer.
Candice et Richard jouent aux petites voitures sur la table. La boîte de céréales vide sert de garage. Ils ont renversé leur bol et le lait a coulé par terre. Maman rentre. Elle me gifle, cela me fait du bien car javais envie de pleurer et ny arrivais pas. La gifle me fait pleurer.
Maman nettoie les dégâts à une vitesse stupéfiante, habille les petits. En même temps, elle me fixe intensément et répète toujours la même chose :
- Elle A RESSUSCITÉ sous mes yeux. Elle a littéralement RESSUSCITÉ. Une piqûre de sucre et HOP ! Elle est increvable, décidément, INCREVABLE !
Elle semble me le reprocher.
Papa arrive, lair bizarrement sérieux et grave, lui qui rit si souvent. Maman me lâche et sen prend à Papa :
- NON, elle nest pas morte ! Cest pas croyable. Elle A RESSUSCITÉ sous mes yeux, une piqûre de sucre et HOP ! Elle est à lhôpital pour deux jours, et ils nous la rendent.
- Calme-toi, cela ne durera pas éternellement, Mémère est en mauvaise santé et très âgée.
Je dis : Sa peau était chaude, elle est vivante.
Alors, Maman me secoue et crie :
- Tu es encore là, à écouter ce qui ne te regarde pas, à traîner en pyjama, même pas prête
Toujours à pleurnicher,celle-là, et toujours pot de colle ! Elle sest précipitée à la petite maison derrière moi, bien sûr, et je me suis fait engueuler par le toubib parce quelle était là.
Papa dit : Cest la seule qui a du chagrin.
Il a compris car il nest pas mon vrai papa. Il ne maime pas mais il ne me déteste pas non plus, ce nest pas comme Maman. Il accepte que jexiste, cest tout.
(A suivre...)
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