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Le test du bonheur par Kunu

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Sur le chemin qui devait l'emporter vers la félicité, Kunu trouva de quoi se distraire - car l'ascension est rude - dans le dernier numéro de Cosmopolitan au bureau de tabac presse librairie papeterie chasse pêche loisir d'en dessous la rivière. La couverture affichait pompeusement un titre que Bernard de Clairvaux avait déjà utilisé durant la guerre Sainte lorsqu’il traversa Verfeil *: «A moi les hérétiques Comment les découvrir Mon plan pour les obtenir » Et que les journalistes, sans trop de fouler, avaient repris en troquant le mot hérétiques contre le mot bonheur. (et en tout petits caractères dessous : Objectif maillot Trouvez celui qu’il vous faut) Voilà un début bien gras et bien pataud, mais qui convient plutôt bien au support. On pourrait continuer à gloser de la sorte sur quelques pages faciles. Par exemple, en y ajoutant cela : Il y avait deux grandes séries de tests, une pour les filles des villes et une autre pour les filles des champs. Il n’y avait rien pour les garçons, parce que les garçons sont très forts, ne pleurent jamais et considèrent que le bonheur c’est un truc pour les groupies de Coco Rosie. Ça commençait par le test du tracteur. "Vous croisez un tracteur sur la route, vous vous dîtes : - Je vendrais père et mère pour avoir le même - Je me ferais bien le conducteur - C’est un Deutz-Fahr, ça vaut pas un John Deere - Les tracteurs c’est comme les cyclistes, ça devrait interdit sur les routes" Selon ce que vous répondiez au test du tracteur, vous étiez : - Matérialiste : tout se monnaye y compris le bonheur. Foin de sentiments. - Sexuelle : pour vous, le bonheur est indissociable du désir sexuel - Pragmatique : le bonheur c’est une mécanique dont il faut juste connaître les rouages, ensuite ça roule. - Politique : vous êtes ambitieux et votre bonheur passe par les idées et par leur mise en œuvre. Mais on sentait bien que ça tirait quelque part, que ça sentait la mécanique huilée à mort, qu’on appuyait un peu toujours sur le même bouton, qu’on avait pris une telle habitude des dosettes - une larme d’ironie, une autre d’humour, une autre encore d’absurdité – qu’on en devenait un peu con, et répétitif à mort. Regardez ce dessin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:2346_(PSF).png C’est une faneuse à traction animale. Lorsqu’un pré a été fauché, l’herbe reste immobile sous les intempéries. Elle peut y rester suffisamment longtemps, alors elle prend du poids, devient lourde et humide. La faneuse, en passant, la retourne, la secoue, et tout cela se met à voler, s’aère, l’humidité s’évapore, l’herbe se dépose à nouveau mais plus légère. Lorsqu'on la met en botte elle peut rester des années tranquille, pressée, chaude et sèche. On peut même en faire sa maison. (http://agricultureurbaine.com/portfolio/ma-maison-en-paille/) Mais si on ne passe pas la faneuse, le foin pèsera des tonnes et tout cela pourrira sous les hangars et aucune bête n’en voudra. En écriture, on est souvent comme avant le passage de la faneuse. On a travaillé honnêtement avec son petit bout de champ, on y a fait des plantations faciles, qui ne nécessitent pas énormément d’attention, on a fait ça un peu à l’arrache, mais au moment de mettre tout ça en botte on s’est rendu compte que c’était lourd, humide, encore un peu vert mais tant pis, on a roulé quand même. On s'est dit : ça passera bien encore une fois. On a exposé ce petit travail bâclé en faisant en sorte que cela soit étiqueté « sans prétention », « une modeste participation », histoire de se protéger du lancer de tomates. Ça a fonctionné pas trop mal parce qu’il y avait quelques bonnes blagues à l’intérieur. Ça marche toujours la bonne blague. Vé, couillon de sort, tu nous en as sorti une sacrée bonne l’autre jour, je m’en suis encore pas remis. D'un autre côté, si vous passez la faneuse et que le travail est bien ficelé, on vous traitera de prétentieux. Mais à tout prendre, il vaut peut-être mieux avoir quelques prétentions. Une bonne faneuse avec ses ambitions, ça peut donner des résultats intéressants. Kunu passa à autre chose parce que ça suffisait. Elle aurait pu y passer plus de temps, certes, mais il ne s’agissait pas d’alourdir plus que de nécessaire le propos. Elle acheta trois kilos de fraises. Elle avait du faire la queue parce que c’était de très belles fraises qui avaient une grande réputation. Devant elle, une dame très âgée marchait avec beaucoup de difficulté. Une autre à côté la regarda et dit à Kunu : quand je pense qu’on va tous finir comme ça, puis elle ajouta : les fraises ça me donne de l’urticaire. Derrière Kunu, les barrières d’un passage à niveau étaient en train de se baisser. Elle s’approcha de la voix ferrée, le Régional arriva, passa, disparut et Kunu se sentit un peu triste, comme après le test du tracteur, sans raison. NB : En réalité, Bernard de Clairvaux à dit exactement : « Verfeil (verte feuille), que Dieu te dessèche », NB : j'aime beaucoup Coco Rosie.

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