La nuit tombe, elle marche vite, son sac trop lourd la tire vers le bas.
En grappes éparses sur le trottoir, des soldats. Elle peut pas les voir, occupée qu'elle est à tirer son sac.
Et puis, ils parlent fort, une langue qu'elle ne comprend pas. Leur couleur ça oui, elle est habituée.
Et puis une masse sombre devant elle l'oblige à s'arrêter, elle a peur, ses parents lui avaient dit «ne parle à personne, surtout ne dis rien ». Alors, elle ne dit rien. La masse s'agenouille, dans un français maladroit lui dit « pas peur » et lui sourit, il prend son sac « chez moi, petite fille jolie comme toi ». Il s'arrête et comme pour la rassurer sort une photo comme fêlée d'avoir été trop regardée
Petite fille blonde assise en train de jouer qui lève la tête devant l'objectif pour sourire à son papa.
La petite fille se calme et marche au côté de ce soldat. Elle a cru voir des larmes au coin de ses yeux.
Il l'a laissée devant sa porte sur une dernière parole « tu sais, j'ai pas voulu.... ici » et il est parti !
Et puis, un soir, il y a eu une cavalcade et des cris dans l'immeuble, des valises jetées dans les escaliers, des hommes, des femmes des enfants rudoyés, leurs paquets vivement ficelés jetés dans les escaliers......... c'était une rafle.
Le papa de la petite fille blonde a ouvert la porte, elle a glissé sa tête, c'était au tour d'une famille qu'ils connaissaient bien............. le papa a attiré la petite fille brune chez eux, sous le regard du soldat porteur de sac qui, curieusement, a regardé ailleurs.
Cette petite fille, aussi brune que la petite était blonde, sont devenues soeurs de terreur dans un maelström de cris, de sang, de nuits dans la cave, de sirènes. Elle se tenaient par la main en chantant des ritournelles..........
La petite fille blonde a grandi, elle nous a quelquefois raconté cette histoire, sa guerre. Elle espérait que ce soldat ait pu voir grandir sa fille, avoir d'autres enfants.
J'ai lu, entendu d'autres histoires horribles de toutes origines, la cruauté est si vastement répandue, avec pour dénominateur commun la mort.
Mais je retiens plus volontiers celle-ci.
Ce soldat ne devait pas être un cas isolé.
J'aime à croire que dans les conflits et horreurs qui secouent notre monde, il en est qui s'agenouillent devant un enfant pour le rassurer ou détournent leurs regards quand il s'agit de sauver une vie.
Tyrans de la pensée unique qui inculquez l'art de la mort au nom de la patrie, de frontières à défendre, de peuples à asservir, qui vous serrez la pogne sur les milliards de cadavres morts pour rien, qui trichez, fourbissez armes à l'allié qui sera un jour ennemi, j'ai le fol espoir qu'un jour futur vous ayez ce sursaut d'humanité qui habitait ce soldat !!!
La petite fille blonde........ ma Mère
↧