Ce fut de bon matin, tout frais tout faraud que je posais le pied là où lon mavait convoqué : sur les terres de Monsieur Noé Tripon dAndouilly.
Ce qui métonnait.
On ne rencontre plus quau fin fond de départements reculés ce genre daristocratie robuste qui, encore de nos jours, supervise de son manoir létendue de vastes domaines.
Avez-vous vu Noiret dans Alexandre le bienheureux ?
Ce fut lui qui maccueillit devant les écuries, hautain et débonnaire à la fois - je ne sais comment il sy prenait - canne à pommeau en main, chaussé de cette manière de grandes bottes sévasant à la façon de cuissardes.
Si lon étiquette mon propre cas je devais lui sembler une figure quelconque de la bureaucratie citadine cravatée en pèlerinage chez les comices, petit costume clair fort seyant et mocassins vernis.
Je ne devais en principe récupérer là que danciens titres et pièces durbanisme, mais le promoteur, voulant parer au plus pressé, dans la frénésie de faire avancer « les âffaîres » comme il disait, mavait sommé en chemin dy réaliser in situ plusieurs relevés topographiques.
Mon travail consista donc à donner naissance à dutiles documents darpentage qui permettront un jour de transformer quelques ares des parcelles les plus périphériques du sieur Tripon en un joli lotissement très uniforme dont la sotte platitude ne devrait guère ragaillardir les traits de la morne campagne briarde.
Quil pleuvait oh dieux quil pleuvait sur tes champs Monsieur Noé et la mission nen finissait pas.
Il fallut écraser des heures durant cette limoneuse glaise des trois âges se cumulant sous mes basques comme autant demplâtres empilés qui sédimentèrent dénormes semelles de plomb, me donnant lallure pachydermique dun moustique auquel un sadique aurait ficelé des ventouses...
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