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Le vent nous portera par Placid_et_muzo

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La veille au soir, un orage avait éclaté sans être convié, la toiture de ma maison menaçait de s'écrouler. Au dehors, la pluie diluvienne ne cessait pas d'intensité, j'étais bien au fond, ma Chesterfield light allumée au coin de la bouche et les sandales mouillées. Mon casque Hi Fi sur la tête. Et Syd Matters dans mes tympans. Je me sentais invincible. un sentiment rare, l'impression que rien ne peut vous arriver. Et puis le téléphone a sonné. Un éclat dans ce moment de quiétude. C'était Antoine, mon neveu de 13 ans à l'autre bout du fil. La voix tremblante. Sa mère que je n'avais plus vue depuis douze ans vient d'avoir un accident. Une mini cooper conduite par deux jeunes décervelés rentrant d'une soirée arrosée traverse le terre plein central pour venir percuter de plein fouet la twingo de ma soeur Annie, qui m'avait ignoré depuis tant d'années, une personne avec qui je n'avais rien partagé étant enfant, sinon des disputes sans fin, des brouilles violentes d'ados attardés. Annie était à présent plongée dans un coma artificiel du fait de la gravité de son état. En raccrochant le combiné, ma peau s'est mise à frissonner malgré moi, malgré mes rancunes, mes aigreurs. Mon orgueil à la con, pour résumer. J'en voulais à Annie d'avoir quitté le foyer familial, du jour au lendemain, sans même me laisser un mot, pour échapper à l'ambiance étouffante du foyer familial. Elle avait raison après tout, elle a pu se construire et s'épanouir loin de la tyrannie de mon père. Je recevais parfois des nouvelles d'elle par le biais de mes cousins. On me disait qu'il y avait du tremolo dans sa voix quand elle parlait de moi, qu'elle se souciait de moi, de ma trajectoire de pseudo rebelle, de mon instabilité sentimentale, de mes addictions. Ce matin, un ciel bleu azur vient m'accueillir. La météo est parfaite en terme de visibilité et de conduite. Je fais hurler le pot de ma ninja 250. A l'accueil de la clinique, je dis ' je suis venu rendre visite à Annie N.', sans même lever les yeux de son magazine Voici, la dame me précise qu'il faut prendre l'ascenseur du fond à droite, niveau moins 1. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent, en même temps que j'achève de déglutir. L'estomac noué, mes pas s'arrêtent devant la chambre n°8. Comme un enfant poli que je n'ai jamais été, je frappe de mon index sur la porte et je réalise aussitôt que ce geste est d'une bêtise sans nom, puisque personne ne va me répondre. Une dame au cheveux blancs fait face à moi, elle se présente, Geneviève, une voisine de quartier d'Annie, que j'aperçois du coin de l'œil. Elle est toujours aussi belle, malgré les ans, malgré tout l'attirail de tubes qui l'entourent. Ma vue se brouille, mon armure de martien se fendille peu à peu, l'air me manque. J'attendais ce moment depuis si longtemps, revoir le visage ma sœur, celle qui me connait le mieux, la personne sur cette Terre que j'ai le plus haie et le plus aimée. Les paroles de la chanson de Syd Matters me reviennent alors : "We played hide and seek in waterfalls, We were younger, we were younger"

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