Je ne suis pas un héritier.
Je nai jamais disposé dun franc, puis dun euro que je naie gagné à la salive de ma langue ou à lencre de mon stylo.
Je profite dune aisance quil ne mest possible de sauvegarder quen continuant à travailler à 82 ans dix heures par jour et 365 jours par an.
Jai élevé de mon mieux mes enfants. Jaide mes petits-enfants à poursuivre les études qui nont pas été à ma
portée.
Jai toujours payé mes impôts sans un seul jour de retard et sans un mot de remerciement.
Jai financé des porte-avions que lon ne ma pas admis à visiter, des bâtiments officiels à linauguration desquels on
a omis de me convier.
Et ne voilà-t-il pas quun énarque, entretenu depuis sa majorité par les contribuables voudrait me faire honte de ce
que je gagne avant de me déposséder de ce qui a échappé à la triple érosion du fisc, de linflation et des emplettes
inutiles !
Je suis un créateur et un mainteneur demplois.
Je fais vivre des proches dont certains maccompagnent depuis plus de trente ans et que le candidat socialiste
(puisque cest de lui quil sagit) projette implicitement de diriger vers les Assedic.
Or, en quoi ai-je démérité ? Ai-je volé quelque chose à quelquun ? Nai-je pas donné au fur et à mesure que je
recevais, persuadé que la dépense constituait le plus efficace acte social ?
Jai perçu quelques heures supplémentaires, mais aucune subvention.
Je nai touché dautre argent public que la maigre solde dun sous-officier durant mes quinze mois de service
militaire.
Je nai jamais bamboché aux frais dune république qui examine à la loupe les additions de restaurants de ses
dignitaires mais qui continue à les régler.
Je nai jamais fréquenté de paradis fiscaux. On chercherait en vain la plus petite niche chez moi depuis que jai cessé
davoir des chiens !
Une seule fois, je me suis délocalisé dans le cadre de la loi Pons à la coûteuse faveur dun investissement hôtelier
dans les Dom-Tom qui ma fait perdre 100% de ma mise.
A la distribution des bonus, des stocks options et des dividendes, jai toujours été oublié.
Mon casier judiciaire est vierge. Mon courage est intact. Je ne suis pas un damné de la terre. Mais je ne suis pas non plus un profiteur ou un esclavagiste. Je ne suis protégé de personne, sauf du public auquel je dois la longueur de mon parcours.
Jai mes opinions mais je nai jamais adhéré quau parti des amoureux de la France. Jai versé à la collectivité davantage que je nen ai reçu : pas un jour de chômage et une seule nuit dhospitalisation
en six décennies.
Je me situe sans honte mais sans fierté excessive dans cette classe moyenne quon souhaite faire disparaître en nivelant notre société par le bas.
Je refuse autant dêtre culpabilisé par un politicien (qui voudrait que lon prenne son inexpérience pour de la
normalité) que la France accorde sa confiance à un homme que lEurope prive de la sienne et qui, bien quambitionnant de devenir le gardien de la constitution ne paraît pas sêtre préoccupé de la constitutionnalité de ses propositions.
Quant à moi, jaurais nourri mes enfants, bâti des maisons, planté des arbres. Mission accomplie.
Philippe Bouvard
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