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EDMOND ?;;; DANTESQUE ! par Broglancien

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Le ciel perdait de sa luminosité, et les derniers martinets de l’automne commençant, traçaient leurs ultimes arabesques avant le grand départ. La nature était calme, presque guillerette à l’orée des bois de Trouassec. Trois, ils étaient trois, disposés en "Y", allongés sur le dos ; tête contre tête, ou encore crâne contre crâne, car au centre de la figure, c’était un magma sanguinolent d’os et de cervelles mêlées plutôt que des têtes…. Arrivé au petit trot sur la scène de crime, Germain Flatfoot maîtrisa une anhélation chronique en faisant semblant de s’intéresser aux chaussures des morts. Son tic nerveux le ressaisit comme chaque fois qu’il avait devant lui une chef d’œuvre des perversions et déviations humaines. Son pouce droit venait se nicher dans sa main gauche dans un mouvement de massage de la paume, bourrant ainsi une pipe virtuelle, ayant été contraint d’abandonner la vraie pour raison d’image pulmonaire un peu trouble. Ça l’aidait à se concentrer. Il n’en était pas à sa première affaire bizarre, et sa ténacité avait permis de résoudre en son temps l’énigme de l’affaire « Byron », et au moins ici, c’est pas les cadavres qui manquaient. Il était clair qu’il y avait un message dans ce « Y ». La scientifique prit le relais des premiers constats visuels. Germain quitta la scène de crime, l’odeur commençant à être trop présente en cette fin d’après midi. Il revint une minute après et demanda au photographe de faire un cliché du dessus. Celui-ci rouspéta qu’à son age on ne faisait plus de galipettes dans les arbres, et en bougonnant se fit aider d’un poulet en tenue pour un cliché de surplomb… A première vue, trois hommes, mais la face tellement détruite que le légiste n’eut pas besoin d’un davier pour disposer des dents du numéro 1. D’ailleurs c’était cuit pour les empreinte dentaires, et pour les trois. Pas de papiers, les empreintes digitales inconnues, le passage par l’ADN ne donnerait rien. Habits et chaussures de qualité, mais accessibles au commun des mortels un peu friqués. Restaient les recherches pour disparitions impromptues et déclarées. Le médecin légiste apporta toutefois un éclairage inattendu : ils avaient en commun qu’ils étaient plutôt jeunes, la trentaine, qu’ils étaient bien morts de l’écrasement de leur frimousse, mais l’estomac plein, et vraisemblablement après avoir été drogués. Tous trois avaient des traces de menottes ou de liens sur les poignets. Mais l’étrangeté était dans le fait qu’ils étaient morts à 2 ou 3 jours d’écart , numéro 1 étant mort en dernier et numéro 3 en premier. Ils avaient eu beau bistourner les analyses, les repas, les dates, les habits…Germain ne comptait plus sur la scientifique ou sur des indices physico-chimiques pour avancer. Il se retira chez lui avec le dossier, les photos. Rire et chansons serinait les blagues convenues et éculées à force de redites. Coluche de nouveau y alla de sa phrase rerereconnue : « Dieu a dit : “Je partage en deux, les riches auront de la nourriture, les pauvres de l’appétit.” » Edmond ! Edmond Dantès !!!! Comment ce nom lui est-il venu à l’esprit ? L’antagoniste riches-pauvres ? Peut être aussi cette lecture quasi hypnotique de la photo « d’altitude » qui restituait maintenant, c’était lumineux, le sigle de la marque allemande Mercedes. Mercedes, Edmond Dantès, le comte de Monté Cristo, la vengeance, mûrie, construite, élaborée, peaufinée…Il avait failli les posséder tous. Maintenant la « crim » allait levrauder l’homme, car c’était bien une vengeance d’homme, aussi labile qu’il puisse être ou devenir, jusqu’à l’acculer, le démasquer… Tiens toi bien Monte Cristo ! Germain Flatfoot arrive… Germain mit sur le pied de guerre toutes les instances recherchant des crimes perpétrés et non élucidés, les morts inexpliqués, les disparitions de femmes, d’enfants. Les ordinateurs chauffèrent une journée entière, n’ouvrant que deux pistes qui se perdirent comme l’eau dans le sable du désert. Il manquait un élément ! Mais quoi ? Et le même flash produisit la même réaction chez Flatfoot ! L’étoile à trois branches, le sigle Mercedes ! Il n’était pas là QUE pour la vengeance, il avait aussi sa signification directe ! Son pouce droit était endolori à force de bourrer cette satanée pipe toujours vide ! « Recherchez tous les crimes ou accidents ayant entraîné mort de femme, ou d’enfant et raccordez les avec les accidents déclarés ou non de Mercedes. Et cherchez dans les plus petits concessionnaires de la marque ! » Cette fois les ordinateurs crachèrent du matos ! Sur les 3 femmes retenues, une seule semblait pouvoir justifier une vengeance : jeune et belle, elle avait été broyée par le pare-chocs d’une berline sous les yeux du père qui l’accompagnait au retour d’un éblouissant récital de piano qu’elle venait de donner. L’enquête n’avait pas abouti, le père ayant déclaré : « - je sais pas, une grosse voiture, noire…, Je ne sais pas… » Coté voiture, le peu d’informations dont disposaient les enquêteurs ne les avaient pas motivé outre mesure… Mais cette fois, l’approche « Mercedes » porta ses fruits. A l’époque de l’accident, 3 berlines avaient été réparées en carrosserie, mais seule une quatrième, traitée dans une petite agence de la banlieue de Rennes, avait fait l’objet d’un remplacement plus que discret du pare-chocs. Le propriétaire (toujours vivant) contacté se montra mal à l’aise à l’évocation de cette soirée. Le pouce de Germain n’eut pas à malaxer trop longtemps sa paume gauche, le proprio avoua avoir prêté la voiture à son fils parti en goguette avec sa maîtresse et deux de ses camarades. Ils avaient ramené la voiture avec une journée de retard, mais comme elle n’avait rien... Ça n’empêche que depuis cette époque, ils étaient en froid… Les trois compères furent introuvables, et le temps de retrouver la femme, Germain creusa alors la piste du père. Après qu’ils se furent annoncés, les policiers se présentèrent à un homme défait, mort dans ses yeux. L’homme s’installa derrière son bureau, les invita à s’installer, et les écouta… « - Je ne vous attendais pas aussi vite… » Il déposa devant lui un pistolet qu’il avait pris dans un tiroir. Le flic en uniforme sauta en l’air, l’arme à la main… « - vous seriez arrivé demain, je n’aurais pas eu à m’expliquer… » Et l’homme commença son histoire… - La plus belle soirée de ma vie ... et la voiture est arrivée, comme folle…J’ai tout vu, dans le moindre détail, la voiture, les hommes, la plaque… - Pourquoi n’avoir rien dit ? - Je ne sais pas, blocage total, absence de confiance, douleur immense, folie meutrière… Je les ai retrouvés et j’ai inventé un histoire en relation avec leurs vie à chacun. Et vous savez la suite… - Et la femme ? - Quelle femme ? - Oui, il y avait une femme avec eux ! - Quand la voiture est passée, je n'ai vu que 3 hommes, 2 devant, un derrière. Ce dernier avait d'ailleurs sur le visage un sourire béat, comme s'il se foutait de moi... mais au fait, comment m’avez vous retrouvé ? - A cause du Comte de Monté Cristo, la vengeance, tout ça… - Je ne comprends pas, moi, j’ai juste voulu évoquer ma fille Mercedes, comme la voiture…

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