Beaucoup de commentaires ont été écrits sur "Soie", d'Alessandro Baricco, qui est en tête de liste de mes livres préférés.
C'est un livre que j'ai lu et relu à maintes reprises, avec une prédilection pour le passage de cette fameuse lettre de la jeune Japonaise à Hervé Joncour.
Pour moi, cette lettre est un summum de sensualité, mais je peux comprendre que pour certaines personnes, il est bien vain de faire preuve de sensualité par écrit, lorsqu'on est séparé à jamais de l'autre, alors que rien n'a été rendu possible pour la vivre.
Joncour se fait traduire cette lettre longtemps après son retour en France, elle lui donne envie de "mourir de nostalgie pour quelque chose qu'(il) ne vivra jamais", comme il le confie à son ami. Elle a été écrite par la jeune Japonaise quil avait aimée et quelle avait glissée dans sa main au moment de son départ :
« Mon seigneur bien-aimé
naie pas peur, ne bouge pas, garde le silence
personne ne nous verra.
Reste ainsi, je veux te regarder, je tai tellement regardé
mais tu nétais pas pour moi,
ne tapproche pas, je ten prie, reste comme tu es,
nous avons une nuit pour nous seuls,
et je veux te regarder, je ne tai jamais vu ainsi,
ton corps pour moi, ta peau,
ferme les yeux, et caresse-toi,
je ten prie, nouvre pas les yeux, si tu le peux,
et caresse-toi, tes mains sont si belles,
jai rêvé delles tant de fois que je veux les voir maintenant,
jaime les voir ainsi, sur ta peau, continue je ten prie
nouvre pas les yeux, je suis là, personne ne peut nous voir
et je suis près de toi,
caresse-toi mon bien-aimé seigneur,
caresse ton sexe, je ten prie, tout doucement,
elle est belle, ta main sur ton sexe, ne tarrête pas,
jaime le regarder et te regarder, mon bien-aimé seigneur,
nouvre pas les yeux, pas encore, tu ne dois pas avoir peur,
je suis près de toi, mentends-tu ?
je suis là, à te frôler, cest de la soie, la sens-tu ?
cest la soie de ma robe, nouvre pas les yeux
et tu auras ma peau, tu auras mes lèvres,
quand je te toucherai pour la première fois ce sera avec mes lèvres,
tu ne sauras pas où, à un certain moment tu sentiras la chaleur de mes lèvres,
sur toi tu ne sauras pas où si tu nouvres pas les yeux,
ne les ouvre pas
tu sentiras ma bouche, tu ne sauras pas où,
tout à coup, ce sera peut-être dans tes yeux,
jappuierai ma bouche sur tes paupières et sur tes cils,
tu sentiras la chaleur pénétrer à lintérieur de ta tête,
et mes lèvres dans tes yeux, dedans,
ou bien ce sera sur ton sexe, jappuierai mes lèvres, là,
et je les entrouvrirai en descendant peu à peu,
je laisserai ton sexe ouvrir ma bouche, pénétrer entre mes lèvres,
presser contre ma langue, ma salive descendra le long de ta peau
jusque dans ta main, mon baiser et ta main,
lun et lautre mêlés, sur ton sexe,
et puis à la fin, je baiserai ton cur, parce que je te veux,
je mordrai la peau qui bat sur ton cur, parce que je te veux,
et quand jaurai ton cur sous mes lèvres tu seras à moi vraiment
avec ma bouche dans ton cur tu seras à moi, pour toujours,
si tu ne me crois pas alors ouvre les yeux mon bien-aimé seigneur
et regarde-moi, je suis là
quelquun pourra-t-il jamais effacer cet instant,
mon corps que la soie ne recouvre plus,
tes mains qui le touchent, tes yeux qui le regardent,
tes doigts dans mon sexe, ta langue sur mes lèvres,
toi qui glisses sous moi, et prends mes hanches,
et tu me soulèves, et me laisses glisser sur ton sexe, doucement
quelquun pourra-t-il effacer cela,
toi qui en moi lentement bouges,
tes mains sur mon visage, tes doigts dans ma bouche,
le plaisir dans tes yeux, ta voix,
tu bouges lentement et cela me fait presque mal,
mon plaisir, ma voix, mon corps sur le tien, ton dos qui me soulève,
tes bras qui ne me laisse pas partir, les coups à lintérieur de moi,
la violence et la douceur, je vois tes yeux chercher les miens,
ils veulent savoir jusquoù me faire mal,
jusquoù tu veux, mon bien-aimé seigneur, il ny a pas de fin,
cela ne peut finir, ne le vois-tu pas ?
personne ne pourra effacer cet instant,
pour toujours tu lanceras ta tête en arrière, en criant,
pour toujours je fermerai les yeux, laissant mes larmes se détacher de mes cils,ma voix dans la tienne, ta violence à me tenir serrée,
il ny a plus de temps pour fuir ni de force pour résister,
cet instant-là devait être, cet instant est,
crois-moi, mon bien-aimé seigneur, et cet instant sera,
maintenant et à jamais, il sera, jusquà la fin,
Nous ne nous verrons plus, mon seigneur,
Ce qui était pour nous, nous lavons fait et vous le savez.
Croyez-moi : nous lavons fait pour toujours.
Gardez votre vie à labri de moi.
Et nhésitez pas un instant, si cest utile à votre bonheur,
A oublier cette femme qui à présent vous dit, sans regret, adieu. »
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