Elles sont trois :
Succulantes vieilles dames poudrées, parfumées, installées autour d'une table élégamment dressée pour le thé,
Il y a des scones, de la marmelade et du vrai beurre salé,
Au centre resplendit un de ces élégants plat à dessert à 3 niveaux qu'on appelle " compotier"
Chaque niveau déborde de mets sucrés : tartelettes aux mytilles, petits cakes parfumés aux épices rares, muffins à la cannelle et au gingembre et pâtés aux raisins de Corinthe, avec un zeste de whisky ( spécialité de Misses Welldown ) ;
Un authentique service en porcelaine anglais (dessiné et peint par un artiste réputé et déniché chez "Harrolds"par Misses Roses, une cousine de Misses Homesweet) ponctue cet espace gourmand de touches colorées, tendres et sucrées - et rappelle aux amies leur jardin fleuri du Sommerset, ce qui évidemment ajoute à la réjouissance du moment.
Coquettes coiffures, ongles soignés, fraîches robes d'été, (à pois, à feuilles, à tiges et à fleurs : magnolias, roses et même quelques marguerites) et cliquetis des bracelets, accompagnent le goûter de ces dames pétillantes, lesquelles devisent et se piffrent avec des gestes distingués ; bref :
latmosphère est joyeuse.
Un "lovely" concert, de voix colorées et d'haleines parfumées, se déploie dans cette jungle profonde, tandis que, comme tous les mercredis à l'heure du thé, Misses Welldown, Misses Homesweet and Misses Happyever échangent leur point de vue sur les potins du jour... avec délices, d'autant que cette fois, les dernières galipettes du garde champêtre fournissent un abyssal sujet de conversation....
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Quant tout à coup, ce charmant tableau vacille : un intrus vient de s'inviter sur la scène !
A l'angle du plus haut baobab, juste derrière le charmant fauteuil en osier (peint en rose- pêche- et expédié de Brighton) où est insatllée Miss Homesweet,
un monstrueux gorille, poilu, ventru, lippu, biglu, dentu, louchu.... la gueule béante et l'oeil lubrique , et, comme a pris le temps d'observer Clara Welldown : bavant et exposant des dents jaunes de fumeur de bananes,
d'un geste souple et viril induisant une force phénoménale, écarte les lianes qui gènent sa marche, et d'un bond souple -et tout aussi viril- atteint le fauteuil de Misses Happyness, saisit celle-ci par la taille, la cale dans l'angle de son bras gauche ( il a en effet une vilaine inflammation au bras droit depuis quelques jours) et...
...disparaît aussitôt qu'il est apparût, derrière un lourd rideau de lianes... emportant avec lui bien plus que la dame ... comme nous l'allons le voir tout à l'heure....
Toute la scène s'est déroulée en moins d'une minute...
Misses Welldown et Misses Miss Homesweet n'ont pas sourcillé, ni même émis le moindre raclement de gorge...
Cependant qu'un sentiment * méconnu d'elles jusqu'à ce instant leur interdit de croiser leur regard.
Le silence qui vient de s'installer autour de la table est à peine interrompu ça et là par quelques bruits familiers de la Jungle ;
Un temps s'écoule (traversé exclusivement par des anges du Sommerset, venus d'ailleurs jusque là, en pestant contre l'humidité ambiante et leurs heures sup' insuffisemment rémunérées)
Miss Happyever risque enfin un regard vers son amie (tout en se re-versant une nouvelle tasse de thé- auquel elle ajoute cette fois, il est vrai, en plus de la dose habituelle, 5 morceaux de cet exquis brown sugar - expédié à grands frais de Londres, par sa soeur Rosemary Broothshortfiels)
Enfin, la voix de Misses Happyever raisonne de toute la contrariété dont elle est capable :
- "ET QU'EST-CE QU'ELLE AVAIT DE PLUS QUE NOUS? ", dit-t-elle enfin avec un air désappointé, à vous tordre l'âme....
...et le cliquetis des bracelets, et des cuillères contre la porcelaine, reprennent ....
FIN
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