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Tartine de confiture et paquet d’ondes par Jules Félix

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Depuis le vendredi 20 juillet 2012, c’est le ramadan. Apparemment, cela a fait beaucoup de bruit aux infos mais j’ai échappé à cette surenchère médiatique parce que l’actualité met toujours un petit temps de retard à venir dans mon oreille (c’est l’effet Dope-l’air). Du coup, un com’ a enflammé sur PCC comme PCC sait faire, en plein été, en grosse chaleur, soleil et ciel bleu, et même dans une période assez vide en réactivité, en rétroactivité, et même en radioactivité. Morne pleine (on ne sait pas si c’est la morne qui est pleine ou la pleine qui est morne). Ou morne plaie ? ou borne teigne ? Son auteur (celle par qui tout est arrivé), la pauvre, ne devait pas se douter d’un tel remue-fourmilière. Sans doute maladroite, elle n’avait, semble-t-il, aucune prétention à fournir une réflexion hautement philosophique. Juste un petit billet d’humeur sans attente (elle le dit, elle l’a écrit entre la douche et la tartine de confiture) et je ne suis pas forcément en phase avec ce qu’elle dit mais j’apprécie toujours sa fraîcheur et sa spontanéité qui donnent de la vivacité à ses phrases. D’ailleurs, son com’ n’était pas vraiment intéressant pour ce qu’il tentait de laisser à penser mais pour ce qu’il donnait comme indications sur son auteur, et comme PCC est un site de rencontres (ben oui), a priori, c’était plutôt cela qui était intéressant. Dans les nombreuses réactions qu’il a suscitées, il n’y a eu qu’une seule personne qui a relevé cet élément-clef de l’identité de son auteur, ce qui aurait dû avoir pour effet de pondérer les réactivités ultérieures. Un dernier point encore sur la forme avant d’arriver au fond que j’entends donner au mien com’ : dans ce genre de bataille stérile propre au village d’Astérix (sans coup de poing mais avec autant de blessures), un chat n’a aucune envie de s’y mêler, d’y mettre son grain de sel, tant les positions sont devenues polarisées et tant l’indétermination de Heisenberg s’est levée par la réduction du paquet d’ondes. En clair, on ne sort pas du sarkozysme impunément ! Quel que soit le positionnement, il devenait immédiatement pour ou contre certaines personnes, ou même pour ou contre une religion, ce qui est un tantinet ridicule et franchement puéril car les choses sont bien plus complexes et nuancées que ce manichéisme un peu simplificateur qui a aiguisé un clivage très artificiel dans lequel un matou n’y retrouverait pas ses chatons. Ce com’ n’a pas vocation à être la voiture balai des précédents ni aucune prétention de supériorité, il n’est qu’une velléité d’apporter sa petite pierre de manière indépendante, comme un graviton libre. Venons-en au fond, puisque le fond, c’est l’islam ou plus exactement, le ramadan. Enfin, le fond, j’ai bien écrit, pas le problème. Sinon, cela me ferait penser aux "Affaires juives", comme s’il y avait une spécificité particulière avec une religion alors que la loi est simple : la laïcité impose la neutralité de l’État et de ses représentants. Une loi qui a fait consensus et qui, je l’espère, durera encore plus du siècle qu’elle a déjà duré. Dimanche midi, j’ai invité (entre autres) un ami cher à déjeuner. Un ami qui est d’ailleurs sur PCC (coucou !) qu’il a un peu déserté depuis quelques années, mais c’est grâce à ça que je l’ai connu (oui oui, c’est un site de rencontres, bis). Comme tout le monde s’en aperçoit désormais, réunir plus de trois personnes à la fois au même lieu et à la même heure relève de nos jours d’un exploit. Après quelques vaines tentatives, la date a donc été finalement fixée, ouf ! Cela aurait pu être le week-end précédent. Ce n’est que vers le mercredi soir que l’ami en question s’est rendu compte que cela allait être le ramadan à partir de vendredi. J’avoue que c’était un détail que je n’avais pas pris en compte, qui m’a toujours échappé, surtout que ça bouge tout le temps chaque année, et que ce n’est pas trop mes sujets de préoccupation… Il se trouve que ce cher ami est musulman et pratiquant, mais lui-même, distrait, n’avait pas tilté, quand nous avions finalisé la date, que cela allait se passer pendant le ramadan. Et comme cela dure un mois, autant dire que (pour une raison annexe), le déjeuner allait être reporté aux calendes grecques (ou quasi-grecques). Pour me rassurer, il m’a dit que ce n’était pas grave, qu’il viendrait, qu’il ne venait pas pour manger mais pour me voir, et que cela ne le gênerait pas, ce qui m’a paru une réaction on ne peut plus saine. Il est donc venu, mais n’a pas mangé ni bu (c’est le non boire qui doit être douloureux sous le chaud soleil estival). Nous avons donc bien ri et bien papoté (nous sommes tous les deux bavards !) et il m’a même aidé à préparer du lard ! Je penserai à une autre torture la prochaine fois. Pourquoi parler de cette anecdote ? Parce que la pratique de la religion des autres ne me gêne absolument pas, nous sommes (heureusement) dans un pays de libertés et tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut, du moment que cela n’empêche pas la liberté des autres. Et, lemme complémentaire, cela ne m’empêche même pas de voir mes amis. Cette pratique peut parfois m’interroger, me rendre perplexe, voire se trouver en déphasage par rapport à ma propre conception de la vie, mais dans tous les cas, je la respecte, quelle qu’elle soit. Comme je veux être respecté dans mon propre mode de vie. Quel qu’il soit. Ni plus, ni moins. Il y a d’ailleurs bien plus de pratiques religieuses que de religions, car à côté des religions vaguement "reconnues" (en France, pas de reconnaissance légale), il y a une multitude de pratiques superstitieuses qui me paraissent tout autant douteuses (lire son horoscope tous les matins me paraît développer un rituel pas moins étrange que certaines pratiques ostentatoires actuelles). Le niveau électoral élevé dans la société française (mais on pourrait aussi le dire dans toute l’Europe) de partis politiques stigmatisant ouvertement les musulmans pose évidemment un problème pour le "vivre ensemble". Il y a donc un fait social indiscutable, c’est que la pratique (visible) de l’islam en France engendre une peur. Cette peur existe, est là, et pourrit beaucoup de belles idées. Cette peur est-elle justifiée ? Autrement dit, y aurait-il réellement un danger ? Et si oui, quel danger ? Celui d’une sorte d’invasion de mauvaises odeurs, en reprenant deux expressions anciennes et provocatrices de deux anciens Présidents de la République encore vivants ? Je ne sais pas répondre à cette question et je suis franchement convaincu que personne ne peut vraiment y répondre sans le recul des prochaines décennies. Un parlementaire chevronné qui vient de partir avait fait la réflexion, récemment (en fin 2009), que la recrudescence de l’islam visible (voile, burqa, barbe, halal, prière dans la rue, ramadan etc.) était une manière, depuis une génération, de trouver une identité spécifique forte pour la population arabe en lui redonnant une dignité bafouée pendant de nombreuses périodes (colonisation mais aussi Croisades). Cette identification deviendrait ainsi un fait plus social que religieux, mais aussi un fait politique. Un autre ancien ministre, qui est également parti récemment, avait été à la tête d’une mission spécialement chargée de réfléchir sur la laïcité et plus précisément, chargée de donner une recommandation au législateur à propos du voile islamique. À l’origine, ce haut responsable très tolérant (qui occupait aussi la fonction de médiateur, une institution qui vise à défendre les citoyens des incuries administratives de l’État), était contre toute loi risquant de stigmatiser une religion. Mais au fil de ses auditions, il s’était aperçu, malgré lui, malgré son optimisme, qu’il y avait bien des individus extérieurs au pays qui avaient une forte volonté de conquête en France et qu’il fallait les stopper afin de défendre les valeurs qui fondent la République (en particulier la laïcité). Alors, depuis trente ans, il y a un jeu qui consiste à faire de la récupération politique, dans un sens comme dans un autre, en voulant capitaliser un électorat généralement rouspéteur et râleur. Avec une méthode, de faire de plus en plus peur. Si bien que la peur se généralise. Et s’auto-alimente par des tristes individus comme Merah qui ne représentent pourtant personne et sûrement pas une religion. La perte d'identité engendre la peur. L'expression de l'identité des autres peut même renforcer cette peur. La peur peut être saine quand elle pousse à réagir. La peur peut aussi immobiliser le hérisson sur la route. L’exprimer n’est donc pas une action contre des valeurs. Ce n’est que le symptôme maladroit d’un malaise réel. Mais ce n’est pas la peine de jeter de l’huile sur le feu. Ou de l’eau dans l’huile. Histoire d’obtenir une émulsion.

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