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La vérité est cousue de gros fils de mensonges par Enoracath

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« L’histoire de ma vie, de notre vie, elle n’existe pas: (…) Le roman de ma vie, de notre vie, oui, mais pas l’histoire. C’est dans la reprise des temps par l’imaginaire que le souffle est rendu à la vie. (…) rien n’est vrai dans le réel, rien. » Duras, dans Duras ou le poids d’une plume La journaliste et écrivain, Laure Adler, dresse un portrait "parti pris" de Marguerite Duras dans la biographie qu'elle lui consacre. Dès l'introduction elle pointe les mensonges de l'auteure, les transformations des faits, des personnages de sa vie. Mais Duras le sait. Elle avoue, elle confirme. J'ai écouté Laure Adler, en juin dernier à Toulouse au "Marathon des Mots". J'aime Duras, son univers et son écriture bien sûr. j'ai sur le coup été déstabilisée par l'ironie mêlée de véhémence que mettait la journaliste à dévoiler les mensonges patents de l'écrivain Duras. Et en en plus, elle est brillante, la Laure..... Et puis, Vous, moi, les autres, dès que nous entrons dans le récit, que ce soit d'une banale anecdote de nos vacances, ou d' un événement lourd d'émotions que nous avons vécu, notre mémoire ne fait qu'un travail de "reconstruction", de transformation. La mémoire ne fait que réinventer un présent qui est passé. Alors que dire des artistes, des rois de la création... Tout entre en synergie pour faire que ce que l'on livre pour vrai n'est pas la somme des parties, mais "autre chose".... qui n'appartient qu'à nous, et que nous donnons à entendre, à lire, avec souvent une grande "bonne foi" comme du vrai ... . Pour un peu on dirait : "sur la tête de ma mère, j'te jure que c'est vrai"... pôvre femme ! En ce qui me concerne, le mal est fait, elle n'est plus là. La mémoire n'est pas un vaste serveur dans lequel on pourrait procéder à des requêtes par mots clés.... c'est un bain d'énergies émotions, mêlé de trahisons des sens, de filtrages, de prismes qui tranforment, de glaces qui grossissent ou rapetissent à notre envie, le plus souvent inconsciente (faute à moitié pardonnée, alors) selon les phrases miracles que nous avons prises pour vérité un jour, et qui sont devenues des "croyances"qui nous servent de boussoles. Ces généralités que l'on s'approprie, qui troublent l'eau, orientent, défigurent, confirment. Ces vérités que l'on nous a assénées, sur nous et les autres.... Nous sommes les créateurs de chaque instant de notre vie, et déjà, la minute passée, est "relookéé" par notre mémoire immédiate, nous rendant parfois incapables de répéter mot pour mot la phrase que l'on vient de dire, ou que l'on vient d'entendre ... L'intention et les émotions jouant avec les masques. Le flou artistique ... Le privilège de l'artiste, nous l'exerçons tout le temps sans le savoir le plus souvent et en revendicant d'être sincères, authentiques ... Nous sommes tous des menteurs, des charlatans, des faux frères, des fausses soeurs aussi, des traitres... des comédiens du présent et du passé. Traîtres à nous même d'abord, ce qui est fâcheux souvent, étant alors notre plus fidèle ennemi, nous nous acharnons à nous pointer "faute" et nous voir et montrer bien plus minables que nous ne le sommes :-) A moins que, courtisans de notre propre personne, nous nous louions à loisir.... nous donnant le beau rôle en évoquant par exemple la belle tirade avec laquelle on lui a cloué le bec... même pas peur ! En fait on aurait aimé le dire, ce truc super clouage de bec... mais on n'a pas eu le temps... ou l'abnégation dont nous avons fait preuve ce triste jour où ... Souvenez vous, fermez les yeux ... respirez... ce souvenir que vous racontez souvent et qui fait tant rire ou pleurer.... allez, allez... laissez venir .. ce n'était pas tout à fait ça, hein ? ça s'est pas vraiment passé comme vous le dites ? allez... Aie confiance..... sussure Kââ... Tous ces personnages que l'on se joue et que l'on joue, persuadés d'être juste dans le rôle qui nous a été dévolu, avec plus ou moins de succès et se sentant dans "notre vérité". De la gentille, la maternelle à la sexy ravageuse... l'intellectuelle, la toute spontanéïté, la garce, la râleuse, la compréhensive à l'écoute indulgente... et le dur à qui il ne faut pas en raconter et qui va tout casser, agacé du consensus mou, et le gentil poète, et l'anarchiste, le protecteur, le tombeur, le philosophe... Et à force de répéter le rôle, on s'y incruste, on se l'approprie... c'est nous. On se surprend parfois, dans une réplique ou un geste, dans un premier jet non contrôlé d'éjaculateur précoce, à se trouver autre.... mais qui sommes nous donc ? Comme dirait l'homme dont les cailloux roulent au fond de la rivière avec des milliers de roses : nous sommes tous des faussaires. Suffit de le savoir. ça rend indulgent, ça fait prendre du recul, et puis moi ça me rend plus flexible (non pas pour quelque brouette exotique, encore que...). On peut changer de rôle, et s'apercevoir que l'on a davantage de possibles que prévu, tout aussi "vrais", de la vérité du moment.... et les autres aussi.... juste ne pas être dupe, ou juste parfois, ou parce qu'on a choisi de l'être, dupe... de nos histoires.

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