Je traverse toujours dans les passages piétons. Surtout quand je suis en voiture.
Je tranche du piéton content de ses achats, il va monter son étagère Ikéa, déplacer la canapé, repeindre l'entrée, faire un salon de jardin, il sourit à ces visions que nulle apparition de la Vierge ne saurait égaler, j'anéantis de la bobo ivre de ses achats bios, sa crème aux orties de Pérou à 50 euros le gramme, légère et si sûre que le bonheur c'est tout simple, elle enjambe les clodos, aérienne, je décolle du dépressif lugubre qui s'entête à vouloir entraîner tout le monde dans son chagrin, qui raconte sur son blog ce qu'il y a dans son frigo, le menu du resto chinois en bas de chez lui, les pratiques sexuelles qu'il avait avec son ex-petite amie qui l'a quitté, allez hop, tant de merveilles techniques (internet) n'ont pas été mises au point pour écouler ces inepties, et, dans un élan de bonté, j'arrête net la vie de la mère de famille qui va récupérer son petit dernier chez la nounou, prendre au passage sa grande au cours d'expression corporelle et le linge au pressing, qui se presse parce que Monoprix ferme à 21h tout en répondant sur son portable à la prof principale de son fils, qui la harcèle déjà. Je fais un carnage de journalistes, vagues sociologues qui vont larmoyants, à droite, à gauche, répétant que notre époque (et les jeunes) manquent de repères, que l'homme ne sait plus où est sa place, que la société s'est féminisée, c'est pour ça que tout va mal, on n'avait pas vu tant de sang depuis les guerres de religion (ou la politique du ministre Fouché, au choix, les historiens trancheront).
Je fais un joyeux hâchis de tous ces aoûtiens qui sont revenus, les sots, alors qu'on commençait à se rendre compte que la vie est mille fois plus belle quand on est peu nombreux, aller au boulot en se déplaçant tranquillement équivalait à être en vacances, fallait y rester aux Baléares, à la Grande Motte, je sais reconnaître les aoûtiens, ils sont bronzés, et ne cessent de répéter "ah la la, c'est dur de rentrer" dès qu'ils rencontrent quelqu'un. Echapper à leurs photos est l'activité principale de ceux qui sont restés, et ces derniers peuvent me dire merci (ils n'y songeront même pas, vous verrez!).
Breivik est un con, il s'est trompé de victimes. Trucider des jeunes qui avaient des chances d'être moins cons que leurs aînés, il faut vraiment être con. Oui, car j'espère, incorrigible humaniste, en la jeunesse. Si on ne peut plus miser sur les jeunes, alors ou va-t-on ma bonne dame !?!
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