la petite maison dans la montagne par Olga2048

Je vis (vivais) dans une maison sans balcon mais avec de nombreuses toitures en lauzes ou en bardeaux de bois. Quasiment chaque pièce a une sortie extérieure à un niveau différent. Les murs en pierres sèches de schiste ont 80 centimètres d’épaisseur. L’été, il y a des abeilles sur les pots de confiture. L’été, lorsque le soleil cogne dehors, il fait bien frais à l’intérieur. L’hiver aussi… En 1986, il y avait 2,10 mètres de neige devant la porte et faute de savoir où elle était exactement, nous avons marché sur la voiture pendant deux mois. C’est une vieille maison : au recensement de 1666, elle comptait déjà 7 âmes. Elle a une particularité hautement appréciable : dans la pièce principale, celle où j’ai installé mon nid, caché derrière un rideau de bouquins, il y règne comme un air d’éternelle jouvence. Je vais tout vous expliquer : début avril, en route vers le sud, je m’y suis arrêtée pour y passer la nuit. Comme il faisait froid, je suis descendue à la cave chercher une brassée de bois pour faire une flambée dans la cheminée. Pendant ce temps, celui avec qui j’étais venue déchargeait la voiture et curieusement ouvrait la porte du four de la gazinière. (Je dis curieusement car ça ne me serait jamais venu à l’idée de le faire) Lorsque je suis revenue, il me montrait, avec un sourire triomphant, sa trouvaille : une superbe tarte aux pommes, recouverte de cannelle. Bien qu’il m’ait affirmé le contraire, il n’y avait pour moi aucun doute : il avait fait cette tarte avant de partir et la sortait du chapeau (ou du coffre de la voiture) au bon moment. La preuve, cette cannelle qu’il savait que j’adore et aussi cette pâte fine que je reconnaissais comme la sienne. Nous avons retourné cette tarte en tous sens, l’avons flairée et finalement goutée. Moi, en toute confiance : lui qui est si attentif aux dates de péremption et à la provenance de ce qu’il mange n’aurait jamais pris ce risque s’il avait eu le moindre doute. Lui, en toute confiance aussi, persuadé que ma fille ou des amis l’avaient posée là, sachant que je venais. Bref, nous l’avons mangée le soir et terminée au petit déjeuner : elle n’était peut-être pas fraîche du jour, mais tout à fait délicieuse. Le lendemain, à tous hasard, je demandais à ma fille si elle n’avait rien oublié dans le four. Et c’est là que nous avons appris qu’elle était effectivement furieuse d’avoir oublié la dernière tarte qu’elle avait faite pour son anniversaire…fin novembre ! Du coup, je me suis souvenue d’une tomate glissée derrière une panière en août et retrouvée intacte, bien rouge et bien juteuse en novembre. Et il est vrai aussi que lorsque j’y vivais en permanence, je n’avais ni rides ni cheveux blancs. C’est bien une preuve… ! C’est de là que je reviens, regonflée à bloc, prête à affronter la vie et sa cohorte d’embouteillages en région parisienne. Ça aussi, c’est bien une preuve, vu l’état de déconfiture dans lequel j’étais en partant !