Chroniques ordinaires de la vie ordinaire, à propos de rencontre.
Rencontre dans un café, lui, elle, totalement inconnus l'un pour l'autre. Allaient-ils seulement se reconnaître après cette annonce par laquelle ils avaient eu l'occasion de voir leurs chemins se croiser ? Premiers pas, premiers regards, premiers mots, premières impressions fugaces, timides, légères et la conversation s'amorce, plutôt bien, s'amplifie sans gênes et sans blancs. Semblant.
Il l'avait remarquée sur internet, un signe, une image, un fantasme. Un fantasme qui s'était mis en route tout seul et s'exprimait sans retenue et sans détours. Pourquoi des détours puisque chacun est supposé être en chasse , pensait-il ? Lui du moins dans cet état d'esprit, qui se le tient pour acquis puisqu'il y avait un signal d'appel auquel il avait répondu sans attendre et qui ne voulait pas attendre davantage, ni prendre son temps pour arriver au but.
Aussitôt, à peine les premiers mots échangés ou presque, il entonna la chanson de Lady Marmalade, voulez-vous coucher avec moi, ce soir ?
Et si les mots enveloppaient nos échanges comme un écrin enveloppant les corps ? Parlez-moi de vous, cher ami.
Moi, ce que jai à vous dire cest mon désir de vous. Vous me plaisez, invitez-moi. Sur moi, rien de particulier je ne suis pas sectaire, tout mintéresse, je suis ouvert à tout, très disponible, et très disponible pour vous.
Lhomme pressé, très occupé, tellement affairé, craignant que les choses lui échappent, court en tous sens après toutes les occurrences qui soffrent à lui pour les attraper et les faire siennes, les dominer, toujours soucieux de ne pas perdre son temps, comme si le temps pouvait lui appartenir, désireux de se saisir de tout il passe ainsi à côté de toutes les choses de la vie, jamais vraiment investies faute de temps, faute de les laisser vivre en elles même pour les regarder vivre hors de lui, un objet poursuivi succédant à lautre, sajoutant et sempilant en suivant un rythme effréné. Toujours faire le plein. Jamais de vide qui ouvrirait l'espace de la pensée. Crainte maniaque de perdre du temps, crainte de mourir sans avoir tout dévoré et espoir de différer la mort magiquement en mettant la main sur tout, les êtres, les événements, les situations, les relations, tous réduits à létat dobjet qui se pourraient collecter et rassembler.
Par crainte de perdre du temps, il le gâche, ce temps qui lui est donné par la vie. Rencontres manquées, inachevés, épuisées avant davoir commencé. Pourrait-il un jour découvrir et apprécier réellement ce qui est dans linstant, tel quen lui-même et pour soi-même, aimer en somme quelque chose ou quelqu'un ?
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
- Aragon que chante Montand https://www.youtube.com/watch?v=fK1RDFUsSzc -
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