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Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
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PCC à la manière de : (1) Thomas Bernhard par Abicyclette

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Je me suis encore une fois surpris au dernier stade de l’abrutissement, pensais-je hier, assis sur un tabouret de bar ikea, mon œil de mérou devant l’ écran pointscommuns dont la lumière blafarde envahissait la pièce, à guetter un moindre mouvement, une moindre trace de vie, alors que visiblement il ne se passait plus rien, évidemment il ne se passait plus rien du tout, plus aucune trace de vie, comme cela arrive souvent alors que nous en aurions le plus besoin ; mon corps était figé sur un tabouret de bar ikea, ma conscience était figée, l’espace était figé, nos visages étaient figés, ils sont éternellement figés dans des attitudes qui se veulent naturelles ou signifiantes mais qui ne sont absolument pas naturelles et ne signifient rien, des attitudes que nous avons patiemment sélectionnées avec une grande souffrance et une grande désillusion sur nous-mêmes, des attitudes sélectionnées pour la plupart d’entre nous lors de l’inscription, c'est-à-dire au moment du plus grand désarroi, de la plus grande désillusion, au moment même où tout naturel, toute confiance et toute lucidité nous ont quitté. Il n’y avait plus que mon corps figé sur le tabouret de bar ikea, mon seul index cliquant névrotiquement sur la souris et déplaçant le curseur, l’œil de mérou hypnotisé ne faisant que le suivre machinalement ; et la page d’une telle ou le texte d’une telle s’ouvrait, une affiche se collait sur une autre, et encore une autre sur une autre, dans un monde figé sans épaisseur ; et voici une assemblée que l’on imagine aux derniers feux des festivités, grande tablée de spectres ou de marionnettes comme on en voit aux mariages, aux baptêmes, aux anniversaires, où chacun aurait son nez planté dans un verre de digestif, attendant encore que quelque chose se passe, un moindre mouvement, une moindre trace de vie, mais derrière l’écran rien ne se passe plus depuis longtemps, seul le temps défile à une vitesse considérable, de quart d’heure en quart d’heure, il y a juste le moment qui s’approche où il va falloir enlever le masque et rentrer tout seul chez soi, un point c’est tout. J’étais figé sur le tabouret de bar ikea à guetter le moindre mouvement, la moindre particule de vie, mais comme personne n’a levé le doigt, comme rien ni personne n’a fait le moindre bruit - d’où j’étais je n’ai rien aperçu, je n’ai rien entendu non plus (mais j’étais au dernier stade de l’abrutissement) - il m’a fallu certainement une force considérable pour quitter brusquement le tabouret de bar ikea et ce monde sans épaisseur, quoique je ne garde aucun souvenir de la façon dont s’est déclenchée cette fuite, me lever sans pensée aucune - l’énergie que j’avais pour faire autre chose, lire, écrire ou simplement me détendre ayant été pompée dès les première secondes où j’avais allumé l’écran pour voir ce qui se passait sur pointscommuns ; il m’a fallu une force considérable pour me lever du tabouret ikea et m’effondrer dans un coin, sans aucune pensée, ayant abandonné moi-même toute espèce d’épaisseur, simplement conscient d’avoir rompu avec une nouvelle habitude médiocre et débilitante, l’œil de mérou encore excité par la lumière d’un écran blafard dont on attendrait je ne sais quelle promesse permettant de nous fuir un petit peu plus loin ; et il m'a fallu une force et une lucidité proprement extraordinaires pour rester simplement conscient que l’abstraction figée, médiocre et sans épaisseur que j’étais alors devenue empêcherait pendant quelques quarts d’heure de plus mon corps de trouver un sommeil tout autant figé, blafard, sans épaisseur.

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