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Des clous par Tcherenkov

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J’ai failli revenir sur pcc. 0n se trouvait à quelques heures de la fin d’été, j’étais pressée que ça se termine, je n’aime pas les fins d’été, plutôt un bon vieux début d’hiver, bien raide, gelé aux embouchures, avec des nuits à couper au couteau. Mais il fallait encore se taper un automne poétique, parce que cette saison a quand même le chic de rendre n’importe quel abruti poète, on ne sait pas pourquoi, les jours deviennent mous, on se couvre de langueur, de l’histoire des feuilles, des ponts, du vent, de tout ce qu’on n’a pas encore réussi à faire, de tout ce qu’il reste encore à espérer avant de mourir, des balayettes qui ramassent le tout venant à la pelle, des phrases à la Bobin « Le corps irait tout seul vers l’abîme, avec l’élan acquis de l’âge. Et sous la fraîcheur du sang, une faiblesse, une cendre. Une nostalgie : l’âme. Malade, oui. Sans doute : malade. Le vrai nom de la maladie, ce serait l’enfance. Comme telle, inguérissable ». Des phrases qui pendouillent couvertes de poussière au bord des étagères, parce qu’il y a belle lurette qu’on est guéri de tout. Mais qu'on garde accrochées derrière soi, parce qu'il est impossible de savoir combien de temps on peut rester ainsi guéri de tout. La souveraineté du vide est un état royal mais nous ne régnons jamais très longtemps. Il nous faut alors revenir vers ce qui un jour a répondu provisoirement à la question, ou a su la formuler en quelques lignes qui nous avait semblé alors d'une exquise limpidité. J’étais pressée mais je savais qu’une fois dans l’hiver, je ne serais encore arrivée nulle part, et que sans doute la seule manière que j’avais d’avancer c’était de me dire que ça devait forcément servir à quelque chose, même si la destination n’était qu’une chose abstraite et sans consistance. Je suis donc allée me camper devant le rayon visserie clouterie pitonnerie d’un grand magasin. J’avais à une certaine époque de ma vie deux dépendances importantes : pcc et les clous. Mon enthousiasme pour les crampillons galvanisés, les tirfonds, les chevilles nylon, les points d’ancrage, les clous calotin et toutes les variables des pointes à tête d’homme me porta évidemment aux nues, et les indices d’un retour d’addiction clignotèrent aussitôt au dessus de l’enseigne quincaillère, m’incitant à fuir ces œuvres dont la sensualité des cylindres et la finesse des pointes ne cesseraient jamais de me mettre hors de moi. Tandis que paisible et revenue à moi même je retournais à ma queue d’été en train de bouillir, j’eus l’envie soudaine d’aller parler de mes clous sur pcc, histoire d'envoyer un clin d'oeil à quelques vieux fantômes qui n'y étaient plus mais qui peut être tomberaient dessus par hasard (et que je salue donc). Mais lorsque je me souvins de la procédure - on envoyait un texte, après on faisait clu clu clu clu clu clu (le clu du clavier) jusqu’à ce qu’enfin le texte apparaisse. Généralement on rotait de satisfaction et après on faisait à nouveau clu clu clu clu pour lire les réactions, et ainsi de suite, clu clu clu clu, clu, clu, clu, jusqu'à ce qu'on ait les yeux ronds comme des simplets qui découvrent sur le tard comment on noue ses lacets - je décidai de m'abstenir. Voilà pourquoi, finalement, je ne suis pas revenue.

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