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Cela sent le Sapin par Jules Félix

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Le titre n’est pas de moi mais repompé des borborygmes humoraux sur Twitter. Il donne une vision un peu pessimiste de l’avenir du héros en voie de cressonisation. À la question : « Si demain, on revenait au trente-neuf heures payées trente-neuf, des gens seraient peut-être ravis ? », le Premier Ministre a effectivement répondu le 29 octobre 2012 au Parisien : « Développez ce point de vue, mais vous verrez qu’il fera débat. Mais pourquoi pas ? Il n’y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique. La seule chose qui me préoccupe, c’est que la France est en panne, et il faut que l’on redémarre le moteur à fond. Mais pas pour foncer dans le mur. Pour y arriver, il faut trouver les bons compromis. Le monde des entreprises a ses représentants, le monde du travail a ses représentants. C’est pour cela que je suis partisan de la négociation. C’est comme ça qu’on s’en sort ». Sur les dernières phrases, sur la négociation, sur le besoin d’agir pour réveiller la croissance industrielle du pays, il n’y a pas grand chose à dire, Ayrault a bien sûr raison même s’il présente deux versions antagonistes : il faut négocier avec les syndicats et avec les entreprises, il faut préserver les acquis sociaux mais créer un choc de compétitivité. Mais ce sont les premières phrases, les plus spontanées, les moins réfléchies, les moins calculées qui ont fait scandale. Rien que le « Il n’y a pas de sujet tabou », ça ne te fait pas penser à quelqu’un d’autre, encore là récemment ? Le plus mortel était bien sûr le « pourquoi pas ? », du genre à être prêt à remettre en cause la réforme de sa rivale Titine réalisée il y a plus de douze ans, en période plutôt de pente ascendante pour l’économie. Gros titres dans les journaux écrits et parlés du lendemain matin, sur un sujet très franco-français : il n’y a qu’en France où l’on parle de la durée légale du temps de travail. La logique voudrait qu’elle ne soit pas unique mais adaptée à chaque secteur économique qui a ses particularités (comme les emplois saisonniers). Pour les secteurs pénibles, trente-cinq heures, c’est déjà beaucoup par rapport à la vie reposante voire endormie dans un bureau ou dans une salle de réunion. Mais c’est un sujet sensible : ni Chirac ni Sarko n’ont osé touché cette loi, c’est dire ! Alors Flanbus ! Du coup, le premier à recadrer le Premier Ministre, ce fut son ministre du Travail, Michel Sapin. Sapin est un très très très proche ami de Flanbus : non seulement condisciples à l’ENA, ils ont fait le service militaire ensemble, cela crée des liens "à la vie à la mort". Confiance totale. Sapin recadre son supérieur hiérarchique, je crois que cela ne s’est presque jamais vu (je pense que Sarko a dû quand même ne pas se gêner lorsqu’il était place Beauvau avec Raff et Vivil, mais je n’ai pas d’exemple précis). Puis, c’est Ayrault lui-même qui rétropédale à vide. La boulette est extraordinaire. Au lendemain du congrès atone de son parti qui avait quand même fait preuve, l’année précédente, d’une incontestable démocratie, un fait historique et sans précédent, avec la primaire mais cette année d’un quasi-retour à la glaciation monolithique avec le choix régalien du premier secrétaire, le chef du gouvernement s’autoboulettisait tout seul, c’est assez fort. Cela restera dans les annales. La descente aux enfers de la popularité de l’exécutif était à prévoir avant même l’élection : les propos de campagne n’ont jamais rien eu à voir avec les propos d’après-élection. C’était le cas avec tous les Présidents, y compris De Gaulle qui est revenu au pouvoir avec le soutien des partisans de l’Algérie française alors que les Accords d’Évian ont inversé le processus (il suffit de discuter avec des encore partisans de l’Algérie française qui secrètent le plus intense antigaullisme ; enfin, il y en a de moins en moins, la nature fait tranquillement les choses). Giscard qui a pris à rebrousse-poil son électorat avec l’avortement, la majorité à dix-huit ans et deux ou trois lois adoptées en-dehors de sa majorité. Mitterrand qui a imposé le blocage des prix et des salaires après avoir vidé les caisses de l’État. Chirac qui avait promis de réduire la fracture sociale et qui s’est élargie. Enfin, Sarko qui voulait attraper la croissance avec les dents s’il le fallait. Bref, j’ai toujours une pensée émue pour l’électorat majoritaire en France : il croit toujours au père Noël, et pas seulement les jeunes, parfois les moins jeunes, après pourtant plusieurs tentatives infructueuses. Mémoire trop courte ? C’est plutôt positif : les électeurs ont encore gardé l’espoir. Le négatif, c’est que peut-être qu’un jour, ils vont en avoir vraiment vraiment vraiment ras-le-bol, et dans ce cas, tout est possible, même le pire ! Alors, c’est sûr qu’à force de promettre sa lutte contre les puissances de l’argent, Flanbus a amadoué la classe moyenne. Pourtant, il fallait être naïf pour ne pas voir que quelques jours après son discours du 22 janvier 2012 au Bourget, fameux discours qui a amorcé la pompe qui l’a amené jusqu’au sommet du pouvoir, Flanbus négociait discrètement à Londres pour rassurer les traders de la City ! ou négociait en sous-main avec Dame Angela pour dire qu’il ne retoucherait pas au traité qu’il promettait pourtant de renégocier. D’un certain point de vue, je le comprends très bien. Si tu veux te faire élire, tu ne vas pas te donner des gifles, tu dis ce que les gens veulent entendre. Le tout est de savoir ce qu’ils veulent entendre. D’où les sondages. Et après avoir critiqué l’abus du prédécesseur, Flanbus a repris la méthode : l’Élysée a commandé plein de sondages depuis quelque semaines. Ce qui fait que le vote des étrangers va se faire de plus en plus discret, par exemple. Ce serait géniale s’il y en avait pour les choses de l’amour. Qu’est-ce que les femmes cibles voudraient entendre pour se faire séduire ? Vi, je sais, c’est spécifique à chaque électorat, je veux dire, à chaque personne convoitée, d’où l’intérêt d’avoir une sœur, un confident, un tiers pour sonder la cible avant l’attaque directe. Entre les belles déclarations de cour (et de basse-cour)n genre prince charmant allant chercher sa belle en haut du donjon, et le canapé-match de foot-pizza-popcorn d’après crac-crac, finalement, c’est le même processus psychologique. Ce n’est pas nouveau que la démagogie soit reine de l’élection et finalement, ça se comprend aussi que les électeurs veulent entendre un faiseur de rêve et pas un père fouettard (il y en avait un ou deux candidats en 2012 !). Un merlin le réenchanteur. Et puis, tant qu’à faire, je préfère cela à l’inverse. Le serrage des vis actuel (qui se poursuivra les années prochaines, il ne faut pas en douter, c’est déjà programmé), c’est de la responsabilité, et il vaut mieux ne pas suivre sa propre propagande et agir selon ses nouvelles responsabilités nationales. Et il est bien connu que tout changement dans les acquis sociaux ne peut vraiment se faire durablement que par le versant gauche et pas par la droite qui serait dans un cadre de confrontation sociale très dure (décembre 1995, septembre 2010). Jojo avait déjà privatisé pas mal, notamment le monopole de l’électricité, et Flanbus va achever le travail dans la législation sur le travail. Ce que Sarko n’avait pas pu faire, il le fera. D’où le malaise sur les trente-cinq heures, car le « pourquoi pas » finalement n’étonne plus, il est même redouté par ceux qui, à gauche, croyait le mythe inattaquable. Le « pourquoi pas » est crédible. Finalement, le vrai problème d’Ayrault, c’est son incapacité à communiquer, à emballer avec de chatoyantes fioritures sa politique pas très sexy. Les conseillers à l’Élysée s’arrachent les cheveux chaque jour. L’un des exemples flagrants, c’est lors de l’odieux assassinat de deux jeunes à Échirolles. Valls et Flanbus sont arrivés immédiatement sur les lieux (au fait, ça te fais pas penser à quelqu’un ?) tandis qu’il a fallu une semaine pour que Matignon réagisse. Une semaine, c’est des millénaires en politique ! Comme Voynet lors du raz-de-marée en Vendée. À l’époque de Twitter, il faut maintenant réagir au quart de tour si tu ne veux pas être coulé par les copains, et surtout, par l’opinion publique (que je n’ai encore jamais rencontrée). Donc, depuis deux mois, on parle de remplacer le héros par un type un peu plus professionnel de la communication. Et justement, il y en a un en stock actuellement. Le plus pro du domaine (il était même le directeur de la communication du candidat pendant la campagne), c’est le ministre le plus populaire, et autant le dire, le seul ministre populaire du gouvernement. Pas de problème, c’est maintenant juste une question de mois. Autant aller jusqu’au fond de l’impopularité pour faire peau neuve ensuite. Ce fut ainsi qu’on poussa laborieusement Raff un an de plus de 2004 à 2005. Certes, on disait la même chose de Fillon à la même époque, mais Fillon faisait partie du sérail, connaissait bien le gouvernement pour y avoir été souvent ministre. Là, Ayrault laisse maintenant entendre qu’il y a un procès parce qu’il ne sort pas de l’ENA (Fillon, Raff et Sarko non plus), qu’il n’est qu’un enseignant prenant ses petites vacances en camping-car et pas en yacht, qu’il n’est pas comme le "milieu", qu’il est comme Béré… sauf que Béré, lui, bien avant Matignon, a été félicité même par le Financial Times. Il avait l’expérience du gouvernement, lui. Comme le Président est un gentil, il aura du mal à se séparer de lui. Mais le passif, un jour, sera trop épais. Il devra faire comme Jojo avec Allègre, se séparer d’un ami ou choisir de couler avec lui dans son pédalo de sauvetage. NB. Aux dernières nouvelles, d'ailleurs, le héros pourrait avoir quelques difficultés avec son futur aéroport international des Landes-à-Nantes : le préfet chargé de l'offre publique pour sa construction vint de pantoufler dans un grand groupe français de bâtiments et travaux publics... http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2012/11/04/notre-fric-des-landes-par-herve-kempf_1785281_3232.html

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