Ils sont là, tout stoïques sur la grande place. Ils font gaffe. Ils se savent un peu épiés, un peu craints, un peu porteurs despoirs. On voudrait les aimer. Ils voudraient être aimés. Mais pour être aimés, il faudrait aussi un peu aimer, non ? Peut-être y aurait-il trop de clans ? Non, ça na rien à voir.
On pourrait presque écrire "PCC pour les nuls". Mais on nen a jamais eu loccasion. On a toujours pensé que ceux qui ne savaient pas non seulement étaient nuls mais navaient pas droit de cité. Droit de citer. Forcément, ils sont donc discrets. "On" ne les écoute pas.
Cest la rentrée des classes depuis jeudi. Les hommes en uniforme patrouillent régulièrement les lieux. La place est quadrillée. Elle est occupée. Ils ont la trouille. On a la trouille. Pas question de massacre car pas question de foule. La place est réservée aux grands. Aux hauts. À la classe dirigeante. À ceux qui décident. Toujours au nom du peuple. Car ils sont populaires. Ce sont des dirigeants populaires.
Le joujou a déjà quatre-vingt-onze ans. Il nourrit la première puissance démographique au monde (et pourtant dans les dernières en taux de fécondité), la deuxième puissance économique mais ça deviendra bientôt la première, il a contribué à lhégémonie des jouets, du textile, de lélectronique
et même des nems et du riz cantonais (bouh). Même un calendrier porte sa marque.
La pièce se joue nombreux. Cest une sorte de grand théâtre. Une comédie de boulevard. Ou de place si vous préférez. Il y a un grand nombre de figurants. De personnages, du plus insipide aux plus démoniaques. Pour corser le tout, on y a inséré le virus sournois du clanisme. On voudrait surtout éviter la tragédie.
Le scénario est déjà écrit. Longuement étudié, minutieusement préparé, il se déroule rondement, sans une bavure. La comparaison est sans concession.
Dun côté, un peuple décide. Des individus peuvent se hisser, par largent ou les urnes. Ils peuvent arriver au sommet du monde. Ils peuvent être rouges ou verts, ânes ou éléphants, on sen moque ; ce qui compte, ce nest pas la diversité, cest lenrichissement quils apportent aux autres par leurs différences. Laltérité enrichit. Cest le seul germe de lÉvolution.
De lautre, une nomenklatura chasse la précédente. On commence vieux dans ces parages, alors, quand on lâche prise, on est encore plus vieux. Forcément. Là, ce nest pas la rumeur ni la fureur. Cest le calme plat. Le calme monolithique. Lâge de pierre. De la pierre rouge. Aux petites étoiles.
On y cause plenum, comité central, bureau politique, comité permanente, république populaire. Cest PCC mais on ny cause ni paix des braves, ni amour du prochain, ni amitié conviviale, ni chaleur humaine, ni espérance de vie, ni liberté dexpression
Non, on ny cause pas. Tout simplement. Calme.
Parce quil faut vous dire, cette fin de semaine, cest la réunion du parti communiste chinois. Il congrésise un max. Cest du concret. Cest du sonnant. Bientôt, on remplace lempereur du Chine. Le dernier empereur de Chine. À lever lancre.
Le nouveau est un petit jeune, pas même soixante ans. Il était garde rouge. Il a même fait de la prison car cétait un zélateur de la révolution culturelle. Papa était un révolutionnaire. Cela fait cinq ans quil attend ce moment. Formé au génie des procédés, fils de ministre, époux dune chanteuse populaire qui fut major générale dans larmée (populaire elle aussi), et père dune étudiante de vingt ans à Harvard. À la tête dune fortune de trois cent millions deuros. Immobilier, téléphones portables, mines.
Retenez bien son nom.
Xi Jinping, nouveau maître du monde ?
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