Je me suis vu sortir, et jai attendu que quelque chose se passe.
Jai attendu et j'ai écrit le fait d'attendre ; d'attendre mon bon vouloir, ma réapparition, la gueule enfarinée...
Ou bien ma disparition, définitive si possible, ça m'aurait fait des vacances dun nouveau genre, plus appréciées, plus reposantes.
Alors, pour la première fois jai cru écrire quelque chose de vraiment personnel.
J'ai cru écrire quelque chose de personnel, c'est à dire précisément le fait de mattendre moi-même et je pensais qu'il était suffisant de noter « je » ou de dire « moi » une seule fois pour sembler dire de mon intimité.
Cest pourquoi je raye tout ça d'une épaisse trace de marqueur, puisque rien nest intime pour qui sobserve de cette façon.
A force de mattendre, jai fini par mutiliser comme exutoire, me prenant pour seul objet de défoulement. Je me suis amusé à me dessiner dans toute ma vérité, à me raffiner à la sanguine. Je me suis découvert de nouvelles platitudes, de nouvelles absences dombre, des lignes faciles, des creux insoupçonnés.
Puis jai relu ce que javais écrit de moi-même, j'ai relu pour y trouver quelque chose de fort et d'indéniablement caractéristique, ce qui m'a contraint, par devoir envers les sciences humaines, à raffiner encore plus la mise en forme de mes contours.
Comme j'étais sorti depuis longtemps et que je n'y trouvais là qu'une défroque relativement inconsistante, je fus pris finalement dun rire si considérable, si démesuré, que mon état physique en a été altéré plusieurs minutes. Je me suis lu et jai vu mes lubies, mes accès dauthenticité infantile, mes tournures qui semblent supplier la sympathie - une façon faussement naïve de jouer à lamuseur public, mon semblant dérudition décontractée, de « bon aloi », bref toutes ces sécrétions de vermine qui peuvent me donner la nausée et parfois lirrépressible envie décraser à pleines mains mon insupportable face de courge.
Je me suis lu et jai pu me confirmer à moi-même avec une satisfaction béate, que je n'étais quun petit fonctionnaire, oui, un tout petit fonctionnaire de lexistence.
Je me suis vu sortir, et jai attendu que quelque chose se passe. Jai attendu et j'ai écrit le fait de m'attendre. Rien nest gratuit. Pour qui sobserve sabsenter de lui-même, tout se paye au prix fort.
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