Oui ils avaient manqué une sacrée belle occasion !
Alors que les télévisions de chez nous, les civilisés, diffusaient à longueur de temps, des émissions faussement qualifiées de « télé-réalité » avec pour principes, primo lenfermement dans un loft ou sur une île dun groupe dindividus évidemment tous différents qui ne se connaissent pas, et secundo, la provocation organisée par une (Big) voix off pour faire surgir des comportements plus ou moins conflictuels de compétitivité et de haine, ou damour cest selon, il est indéniable que les FARC* auraient eu un succès fou sils avaient eu lidée de programmer , en direct et chaud-bouillant, la réalité de leurs camps de vacances forcées, du fin fond de lAmazonie, jour après jour, dheure en heure, sur les chaînes de télévision du monde entier. Les amuseurs de Koh-Lanta nauraient plus eu quà aller se rhabiller !.
Ils -les rebelles- auraient pu ainsi sexpliquer, justifier leur action, informer sur ce qui se tramait dans la coulisse du gouvernement, et du côté de larmée colombienne ou préciser le rôle des Etat-Unis, démontrer enfin que leurs revendications avaient du sens. Ils auraient ainsi profité de (re-)raconter au monde lhistoire de la Colombie, de toute lAmérique Latine, à vrai dire, à travers leur histoire à eux, les FARC. Ils nous auraient rafraichi la mémoire sur lhistoire de la colonisation espagnole, avec larrivée glorieuse de Christophe Colomb, -merci 1492- de lévangélisation systématique, -merci lEglise catholique- sur la violence quont subi les peuples dAmérique du Sud, sur leurs terres volées et tout le sang versé. Cela naurait pas été inutile. Ni vain. Caurait été un devoir de Mémoire. Une juste revanche.
Les FARC auraient interrogé ainsi notre bonne conscience : ils auraient pu dénoncer à voix haute le crime majeur perpétré, depuis des décennies contre lAmazonie et ses forêts, poumons et « oxygène vert » comme on dit, de la planète terre, Amazonie asphyxiée aujourdhui et exangue. Ils auraient montré d'un doigt vengeur les descendants des colons, exploitants-exploiteurs, assassins, criminels. La politique de la Table Rase nest pas que communiste, ni le fait des Indiens, elle est le choix dun capitalisme effréné, dune Barbarie sans nom. Le fait dune politique déterminée : celle du fric !
Ils auraient pu, les FARC. Loccasion était si belle !
Au lieu de quoi, ils ont laissé lhéroïne principale de leur télé-réalité à eux, ils ont laissé leur otage « préférée », celle qui valait de lor, celle dont la captivité pendant six années au fond de la jungle, a tenu en haleine jusquà les exaspérer- les spectateurs du monde entier, les associations pour la libération des prisonniers, et certain(s) chef(s) détat soucieux de redorer une image, et de se recomposer à peu de frais, (les contribuables ont bien sûr contribué !!) le personnage prestigieux de Zorro le cavalier masqué ! Oui, ils les FARC- ont laissé la petite bourgeoise riche qui au départ singulièrement, par souci de justice, pensait comme eux, partageait avec eux leurs analyses et leurs accusations contre le système économique et politique de leur pays, la Colombie , ils lont laissée et elle seule, car « Même le silence a une fin »**, prendre la parole, et dans un rapport de sa détention, un pavé de 700 pages, édité dans toutes les langues, deux ans après sa libération, ils lont laissée dire et parler à leur place, et raconter avec force détails et sans complaisance le récit terrible et terrifiant de la vie et de la sur-vie quotidienne dans ces camps de la mort.
« Dans sa parole, Ingrid Betancourt réduit les FARC à ce qu'ils furent pour elle dans cette détention : des hommes, des femmes, armés, souvent durs, cruels, dangereux, et c'est tout. «
Cela laisse un drôle de goût après la lecture....Comme cela a laissé une drôle dimpression de la voir sortir amaigrie certes mais daucuns diront plutôt "pimpante", de la Jungle, après ces six saisons en Enfer ...Le trop-cest-trop battage médiatique autour de son seul nom aura contribué à excéder la plupart dentre nous , et à la rendre antipathique, malgré lhorreur quelle a vécue avec ses camarades, occultés et quasiment oubliés quant à eux, dans les geôles des FARC.
« Ses sorties médiatiques en Madone des temps modernes en ont agacé plus dun, ses caprices et son égocentrisme décrit par Clara Rojas et les trois ex-otages américains ont écorné son image de victime à sauver, tout comme ses déboires avec son ex-mari colombien
Mais tout cela nest que broutilles quand on plonge dans le livre dIngrid Betancourt qui nous fait toucher du doigt ce quil faut avoir vivre pour vraiment le comprendre. Impossible en effet pour nous, êtres civilisés vivant dans le confort et la sécurité, de ressentir le fait de nêtre plus traité comme un être humain, mais comme une bête et une simple monnaie déchange qui peut mourir à chaque instant ».
Javais trouvé sur mon chevet, dans la chambre, chez une amie qui mhébergeait, ce gros bouquin que jamais au grand jamais je naurais ni acheté ni lu a priori, tellement comme vous, cette aventure si médiatisée me donnait la nausée, Cest pourtant allongée dans un hamac, cosy comme dans une amande, entre deux arbres fruitiers, début septembre, face aux Alpes magnifiques, et à plus de 1500 mètres, que je suis rentrée légère et court vêtue dans la Jungle amazonienne....sur les traces des otages. (Et de l'insigne Ingrid Betancourt.***)
Je nen suis plus jamais sortie.
Une part de moi-même est restée là-bas, Dans cette forêt bruissante, étouffante, où jamais la lumière du soleil ne perce....Lantichambre de la mort sans doute.
« Le livre d'Ingrid Betancourt étonne. Il s'inscrit au sein de cette littérature puissante qui traite d'une expérience extrême d'enfermement. La nature humaine est bien au cur de ce gros livre. «Je suis devenue un être complexe. Je n'arrive plus à sentir une émotion à la fois, je suis partagée entre des contraires qui m'habitent et me secouent. Je suis maîtresse de moi-même mais petite et fragile, humble car trop consciente de ma vulnérabilité et de mon inconséquence. Et ma solitude me repose. Je suis seule comptable de mes contradictions. Sans avoir à me cacher, sans le poids de celui qui se moque, qui aboie ou qui mord.»
Tout au long des sept cents pages, Ingrid Betancourt ne cesse de s'interroger sur les effets d'une telle épreuve. Elle évite l'écueil du règlement de comptes en s'autoanalysant. Elle est au centre du propos: une femme sûre d'elle-même, un «véritable cyclone» qui devient brutalement un être perdu, portant son identité comme un boulet, une femme que des ravisseurs qui ont l'âge de ses enfants appellent «la vieille». »
Il ma fallu tout ce temps depuis septembre pour venir ici en parler. Cela savère toujours aussi difficile. La tentation est si forte de juger. Dêtre soudain sévère à légard de cette victime « spéciale », qui sest elle-même attribué un rôle quasiment christique, sacrificiel, aux dépens de ses compagnons de captivité, envie de désavouer cette figure publique emblématique et dérangeante !
Je ne saurais même pas dire pourquoi cette Femme est dérangeante justement.
Ce que je sais cest quà la lire, elle, « Ingrid » mest apparue « hors du commun » et cest bien cela qui magace je crois ! La fascination exercée par ces individus remarquables, intelligents, courageux, têtus, qui forcent ladmiration .....en dépit de leur caractère fâcheux, de leur égoïsme, de leur orgueil démesuré et leur soif déternité !
C est hélas et surtout en ce sens, qu ils me ressemblent. Et leur inimaginable et surprenante lâcheté pourrait soudain être la mienne.
Cest cela qui me trouble. Je crois.
Petite Précision de taille : j'ai choisi de ne pas mettre le titre en exergue parce que je devine que la hargne contre l'auteur est encore si vive, que beaucoup ne se risqueraient pas à lire ni le com ni le livre.
....Or, on se doit de s'interroger sur les zones d'ombre, sur la face cachée de cette organisation révolutionnaire, sur la situation de la Colombie, sur la mort et la dilapidation de la plus grande forêt du monde, réflexion principale qui ne sera pas tout à fait et pour cause l'objet de la réflexion d' Ingrid Betancourt sur l'histoire des FARC. On peut comprendre.
Et il ne s'agit pas non plus d'absoudre les révolutionnaires même si leur cause peut être justifiée. La violence n'est et ne sera jamais la solution. Ni les prises d'otages.
Mais alors ? Quel autre choix ?
Que de crier dans le désert....
* Les Forces armées révolutionnaires de Colombie - Armée du peuple (espagnol : Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia Ejército del Pueblo, généralement appelées FARC, l'acronyme exact étant FARC-EP), sont la principale guérilla communiste colombienne impliquée dans le conflit armé colombien.
(Des "terroristes" en somme et pour vraiment résumer.....en lutte contre l'injustice, l'exploitation et le vol de leurs terres, entre autres )
** "Même le silence a une fin" titre de l'ouvrage d'Ingrid Betancourt inspiré d'un vers de Pablo Neruda
*** Betancourt : Avec un seul T. Et un A. C'est utile de le préciser pour éviter à la Magistrature confusions et polémiques baveuses lors des procès (cf Sarkozy toujours lui). Mais ceci est une autre histoire.
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