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... par Novaplanet

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- Tu connais les Deux Magots ? Certes, j’étais provinciale, mais il y avait dans son ton comme une sorte de condescendance. Cela aurait dû m’alerter. Au lieu d’écouter mon petit Milou-ange, qui me conseillait de laisser tomber, j’écoutais mon Milou-diable rouge qui m’engageait à aller au bout de cette rencontre. J’irai cliquer sur un A/R Province-Paris à mes dépenses, rien que pour rencontrer cette fille. La motivation première tenait à la fascination que ses mots exerçaient sur moi. Nous partagions nos écrits sur un site à vocation de rencontres de tout poil en s’appuyant sur le prétexte de l’écrit. Elle incarnait une sorte de liberté de dire qui m’était inaccessible. J’écrivais aussi. Mes textes me paraissaient toujours tenaillés dans un code de bonne conduite. Milou-rouge me disait, « Pffff, t’arriveras jamais à te libérer, laisse tomber le verbe ! » Milou-ange, lui, était plus nuancé sans être d’un vrai soutien, il laissait venir, s’exprimait peu sur la qualité de mon écriture, ce qui me poussait à la croire niaise en comparaison de celle de cette femme, qui, il faut bien l’avouer, m’impressionnait. On avait donc rdv aux Deux Magots. J’arrivais un peu avant à l’heure. Elle arriva une ½ h en retard. Finalement, même si elle était parisienne, il me sembla qu’il m’était plus facile d’arriver avec cinq minutes d’avance en venant de mon trou, qu’à elle en venant du 9éme. Je ne lui en voulus pas, et puis le cadre était suffisamment riche et les consommateurs caricaturaux pour me distraire durant cette attente. Elle ne s’excusa pas mais se plaignit des chauffeurs de taxis parisiens qui n’en font qu’à leur humeur et vous coûtent les yeux de la tête. Je la plaignis à mon tour d’habiter dans une telle cacophonie et puis la vie, oui, était si chère à Paris. Moi qui ne supportais plus les décibels depuis mon exil et vivais désormais sur un budget désespérément campé sur ses deux zéros. Bien mal m’en pris, car alors je vis son regard se raidir et son ton adopter ce ton méprisant en me jetant « Oui, évidemment, toi tu ne dois connaître que les bouchons à bétail ». Je ne relevais pas la pique et bien au contraire lui trouvais beaucoup d’esprit. Elle commanda un Perrier-rondelle après avoir parcouru avec concentration la carte des consommations comme s’il s’agissait d’un acte notarié. Très vite, la conversation s’orienta sur ce qui nous réunissait d’une certaine façon : les sites de rencontre. Elle était volubile sur le sujet et j’étais toute ouïe. Après en avoir fait une critique acerbe et désabusée, elle aborda par le menu le récit de ses aventures. - Tu ne vas pas me croire, mais tu sais qu’à Paris, les sites sont envahis de célébrités. Tiens, pas plus tard que la semaine dernière, j’ai passé une nuit incroyable dans un loft du 18ème, évidemment tu ne le sais pas, mais c’est le quartier des artistes… Elle avait serti d’un brouillard de diamants son intonation sur le mot artiste, si bien qu’il semblait de toute évidence briller d’une forte attente. Je ne fus capable que d’un désolant - Ah bon ? Mais il fut suffisant comme on tire le starter. Elle reprit avec gourmandise le cours de ses expériences. - J’ai rencontré Jaques H. sur meetic, tu le crois ça ? Nous avons échangé sur le « chat » et deux heures plus tard nous étions réunis dans son appartement avec vue imprenable sur les toits de Paris. - Ah bon ?! Mais Jacques H. ? Tu veux dire, le … - Oui, exactement lui !!! En même temps la semaine dernière j’ai passé une nuit magique avec G. M. - Gérard Majax ? - Mais non voyons, Guy M., Nestor au galurin ! Je ne voyais pas du tout, mais je ne voulais pas être en reste, je singeais un air entendu. Elle s’empara du crachoir comme s’il lui appartenait, je n’étais plus qu’une oreille. Je ne savais plus trop s’il s’agissait de la rubrique people chroniquée en direct par Karine Lemarchand ou d’un reader digest de Marie-Claire Maison. Elle mêlait les détails croustillants aux descriptions décoratives, si bien qu’au bout d’un moment je perdis le fil, noyée entre la une de Gala et les auto-collants de Valérie Damidot. En fait cette rencontre s’avérât être un grand moment de solitude et j’eus la sensation de voir passer le fantôme de Simone B. coiffée de couettes en robe lamée ras la moule assortie d’une French manucure. Après avoir passé en revue le tout Paris entre dance-floor du Baron jusqu'au Thé dansant du Parc Floral, elle finit par avoir soif. Elle attrapa la bouteille de Perrier à pleine main qu’elle portât à sa bouche dans un geste d’une absolue sensualité mâtiné de vulgarité qui me la rendit humaine. - Et toi ? Dans ta campagne, il doit s’en passer aussi ? - Oh ben, j’ai rencontré Mickey - Non ????!!! Mickey 3D ? Aux vieilles charrues ? - Euh… Mickey tout court. Exploitant agricole en Bio à Pontivy, chauve avec les oreilles de Simplet. Mais très sympathique et collectionneur de moulins à café Peugeot, je l’ai rencontré lors d’un vide-grenier. Il habite avec sa mère dans une ferme qui date du XVII ème, de la belle pierre. Ce que je n’ai pas osé dire, c’est que Mickey, il détourne les moulins à cafés pour en faire des instruments de musique et il a composé une symphonie pour mille moulins… Un truc de dingue ! Et pis d’un coup j’ai vu son regard se vider et je me suis sentie coupable et je ne sais pourquoi, mais j’ai entendu derrière, dans le fond de ma tête, j’ai entendu, je te jure, j’ai entendu Brel, http://www.youtube.com/watch?gl=FR&hl=fr&v=T4Mx8AN0GF4

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