Tout avait bien commencé lorsque Marianne m'avait donné l'envie de voir le film « Alceste à Bicyclette » annoncé comme « un bonheur de film et un festin d'acteurs, un régal d'intelligence où la drôlerie s'embrume de cruauté et la profondeur s'ensoleille de légèreté », rien que cela.
Ensuite tout s'était gâté quand j'avais reçu Télérama et sa critique où le petit bonhomme faisait la grimace et assénait que « la déception était à la mesure de l'attente ».
Je me trouvais bien embarrassée car je partage souvent l'avis de Télérama et déteste me déplacer au cinéma pour rien ou pas grand chose, mais par ailleurs j'aime Molière et ces deux acteurs épatants que sont Lambert Wilson et Fabrice Luchini, surtout ce dernier que je pourrais écouter des heures quand bien même il me lirait l'annuaire du téléphone.
Envoyant au diable Télérama, je me suis lancée.
Lambert Wilson campe le personnage assez caricatural de Gauthier Valence, un célèbre acteur de séries télévisées genre « Docteur House » désireux de mettre en scène le Misanthrope.
Il débarque dans l'île de Ré où réside un comédien de sa connaissance qu'il n'arrive pas à joindre au téléphone. Ce comédien, Serge Tanneur, c'est Fabrice Luchini que le monde du spectacle a déçu, qui ne quitte plus son île et se débat emmitouflé et bougon dans les problèmes d'une vieille maison en cours de restauration.
Gauthier propose à Serge le rôle de Philinte, lui-même souhaitant jouer Alceste.
Serge commence par refuser catégoriquement l'idée même de monter sur scène puis accepte de l'examiner dans l'hypothèse où les deux acteurs alterneraient le rôle principal et le rôle secondaire.
Il demande une semaine pour se décider, une semaine pendant laquelle ils répéteront le texte.
Venu pour une courte visite, Gauthier annule tous ses rendez-vous et s'installe dans l'île.
A partir de là tout tourne autour des répétitions de la même scène de la pièce, avec à chaque fois un tirage au sort préalable pour savoir qui jouera qui.
Les deux acteurs répètent en permanence et partout, dans la maison, dans le jardin, et même en balade à vélo, d'où le titre du film.
Le seul élément important du film en dehors de ce travail d'acteurs est l'apparition d'une belle Italienne qui finira par transformer nos duettistes en duellistes.
J'ai aimé la façon dont les rapports de force basculent sans arrêt entre Gauthier et Serge, chacun étant tour à tour manipulateur et manipulé. J'ai aimé leur passion commune pour le texte et les deux interprétations différentes qu'ils en donnent...ah, cette scène où Luchini reproche à Wilson de tronquer les alexandrins de Molière et lui donne une leçon de diction, pardon de dic-ti-on, et la réplique de l'autre !
A côté des scènes de théâtre, il se passe plein de petites choses dans le film, dont certaines prêtent à sourire, et l'île de Ré est joliment filmée.
Personnellement j'ai trouvé cet « Alceste à bicyclette » assez délicieux et, sans pour autant crier au chef d'oeuvre, loin de là, je le qualifie avec Marianne de « bonheur de film ».
Je présente d'avance mes excuses à ceux que mon commentaire déciderait à aller le voir et et qui se retrouveraient à la sortie du cinéma avec la tête du petit bonhomme grognon de Télérama.
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