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Anatomie de l'instant par Lomdacoté

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Parfois les objets semblent vouloir nous contrarier, nous rendre à leur raison nous qui savons pourtant qu’ils n’en n’ont pas. Dans ces moments on pourrait penser qu’au-delà de leur simple existence ils ont une vie propre qui par le ralliement fortuit et opportuniste de certaines circonstances leur permet de s’opposer à notre volonté. Par exemple je réduis en boule une feuille de papier pelliculé pour le jeter en direction de la corbeille. Durant son vol il se déplie comme pour improviser un parachute, alors sa course ralentit et il échoue à quelques centimètres du but que je lui avais fixé. Voulait-il signifier qu’il ne méritait pas de disparaître ou souhaitait il peut-être par un autre usage continuer à exister? S'agit-il d’un acte de résistance ultime ou d'un simple instinct de survie? Et s’il avait voulu me dire quelque chose que je ne pouvais pas comprendre... un peu comme lorsque Milou souhaitant renseigner Tintin attire son attention par son comportement. J'ai d'ailleurs le souvenir précis que Tintin s'exprime en pareil cas au futur antérieur et donc que le doute introduit par le cabot se trouve renforcé par le flottement temporel incertain de cette conjugaison, comme si le signifiant était au passé et le signifié au futur et donc comme si dans la même phrase un temps correspondait à l’animal et un autre à l’humain… Ainsi, à propos de ce papier inerte, paraphrasant le petit reporter belge je me dis« Il aura voulu me signaler quelque chose » Je reprends la feuille et avant de l’achever je la déplie pour pouvoir lire ce qui était imprimé dessus, comme si j’examinais sa dernière demande de recours en grâce . Je cherche un indice dans le texte et les images imprimées- celles d'une publicité pour Air France en l'occurrence - et je ne trouve rien... mais ça y est! Le bénéfice du doute est apparu et je le gracie provisoirement. A cet instant j'ai pris conscience que ce papier est non seulement un support matériel pour notre mémoire mais qu’il a lui-même une mémoire propre, celle de sa forme initiale et c’est elle qui l’a conduit à résister au sort que je lui destinais. Je le défroisse un peu plus et le pose sur ma table basse où il sera progressivement recouvert par d’autres papiers comme il vient de recouvrir ceux qui sont maintenant sous lui. Cette sédimentation permettrait telle une carotte géologique de retracer toute une succession de moments que j’ai vécus: l’arrivée d’une facture que je n’ai pas acquittée immédiatement, une pub comme celle-là, des facturettes de ma carte bancaire, tiens un billet de banque (celui-là je vais l’empocher au passage) bref, toutes ces choses que j’aurais dû jeter ou ranger mais que j’ai laissées là, dans l’attente d’une destination qui, n’ayant été attribuée immédiatement est devenue incertaine, voire désormais improbable. C’est ainsi que se génère le bordel dans lequel je vis et qui se crée invariablement dans les lieux où je demeure quelques temps jusqu'au moment de les quitter pour ne plus y revenir. Je suis -sans vouloir me vanter- comme ces oiseaux qui ne peuvent s’empêcher de déposer leurs fientes dont ils ne semblent pouvoir maitriser l’expulsion. Enfin, je dis ça mais moi j’en sais rien, parfois je me dis que, pareil, c’est volontairement qu’ils le font ces cons d'oiseaux: pour nous emmerder au sens propre, par pure perversité. Peut-être veulent-ils nous souiller en plus de nous humilier de leur supériorité de savoir voler. Ainsi existe-t-il peut-être certains comportements universels des espèces vivantes, qui du règne animal à celui moins évolué, moins glorieux mais bien plus nocif des militaires, conduit toujours les forces aériennes , même une fois posées,à regarder de haut les troupes restant au sol et à les qualifier de "rampants".

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