Un enfant.
Qui racle ma porte avec ses ongles.
Il faut quil arrête ça immédiatement, je ne pourrai le supporter. Sait-il que ce quil fait est insoutenable ?
- Arrêtez ! Vous me faites peur, jeune homme. Vos bruits sont effrayants et ce nest pas gentil. Vous êtes trop proche. Rentrez chez vous, sil vous plaît. Je veux bien quon agonise là-bas mais ici cest trop proche. Entendez-vous ?
Il nentend rien.
Et ça glapit dessous, ça hurle, ça se tortille. Les poussières leur mangent donc vraiment la peau ? Jai peur maintenant. Cest insoutenable, je ne pourrai le supporter. Faut-il taper le sol dun manche de balai pour quils comprennent ?
- Arrêtez ! Faites moins de bruit ou descendez plus bas. Vous plaît-il deffrayer un vieil homme ? Partez plus loin, je ne vous connais pas. Je ne veux pas vous connaître, ni vous entendre. Jai peur, comprenez-vous ? Vous êtes trop proches.
Arrêtez enfin ! Je ne peux pas vous entendre mourir, surtout les enfants, cest trop près dici. Soyez gentils. Peut-être faut-il en terminer dun coup ? Pour leur bien. Je ne supporte plus leurs cris.
- Et vous, jeune homme derrière la porte, arrêtez de gratter, vous abîmez vos ongles. Si encore vous saviez où est le centre, où part léquilibre. Jentends que vous vous cognez tous, vous nêtes pas les seuls, ma tête cogne aussi, le sol se dérobe, ce nest pas agréable pour moi non plus figurez-vous, ça bouge encore, se fend, les lézardes sélargissent, on y voit à travers, limmeuble se disloque, je me plaindrai au syndic, à larchitecte, de mauvaises fondations, on nous met en péril.
A présent ça veut sinfiltrer tout de même, cette saloperie rentre de toutes parts.
La sécurité dans ma cuisine, mes boîtes, mes couvertures, draps, vêtements
se blottir dans un coin
ne plus bouger
se boucher les oreilles
quils séloignent, on dirait quils me touchent.
- Taisez-vous dessous, taisez-vous, je ne veux pas vous entendre mourir tout haut ! On nextermine plus comme à Auschwitz. On ne doit plus voir de traces dongles sur les murs. Cest défendu, fini, ce temps-là est révolu.
Vous me faites pleurer, je me vide et jai peur, voyez, je suis un pauvre vieux, je me fais dessus à présent. Appelez linfirmière, soyez charitables, pourvu que vous cessiez ces gémissements on va réparer ça, vivre ensemble, je ne savais pas, il fallait me prévenir à temps.
Prends un calmant, prends en un autre
Tu es ton propre centre en conséquence respire, il ne tarrivera rien
Respire
Des ongles denfants sur un mur à Auschwitz
les miens gravant celui de ma cuisine où sinfiltre la poussière
Respire
Tu es ton propre centre, en conséquence il ne tarrivera jamais rien
Le crépitement de mille insectes sur les draps qui menveloppent
Tu es ton propre centre
Des ongles denfants à Dachau
Déjà la morsure de lacide sur mes cheveux qui fondent
le jus des boîtes pour me frictionner la peau
serrer les dents
tenir
Respire
Des ongles à Treblinka
Tu es ton propre centre...
Respire.
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