Quand des commentaires se téléscopent au gré des correspondances, celui-ci aurait pu sintituler « comme des frères
mais pas pareils », il sappelle chez Maurice et ça lui convient très bien et fait ainsi le lien avec un com ancien qui saccrochait et saccroche encore au film « ivre de femmes et de peinture ».
Dailleurs, si un jour vous tombez dessus (sur le film), plongez-y cest un régal visuel, mais pas seulement, une appréhension de la création comme on a peu fait au cinéma (et lisez le com aussi, tiens je vous mets le lien, il faudra juste le copier dans les réactions pour le lire ensuite, il éclaire dune lumière mélancolique ce présent com qui ne le sera pas beaucoup)
http://www.pointscommuns.com/ivre-de-femmes-et-de-peinture-commentaire-cinema-84618.html
Bon bref revenons à nos moutons, à nos deux faux frères qui saimèrent très fort tout en ne se ressemblant pas tant que ça,
- même s ils étaient artistes,
- même s ils fréquentaient le même groupe dartistes, appelés les nabis,
- même s ils connurent la paternité au même moment sans léprouver de la même manière
- même si tous les deux se sont trouvés exposés post-mortem (enfin leurs uvres) à quelques années dintervalles au musée Maurice Denis à Saint-Germain en Laye.
Georges Lacombe (et pas La combe) est né en 1868, 7 ans après Paul Ranson (et pas rançon) . Il nait dans un milieu aisé, nettement plus que celui de Ranson. Lacombe lui na jamais dû lutter pour vivre, et sa peinture, sa sculpture témoigne dune énergie et dun bon vivre certain, bien quil névacue pas les thèmes morbides, bien au contraire mais il les traite sans complaisance, sans pitié comme sils les prenaient à bras le cur (lapsus je le garde).
Car contrairement à Ranson qui mettait au vestiaire ses pensées morbides mais ne pouvaient sen défaire, car elles resurgissaient quand il ny pensait plus, Lacombe nhésite pas à se frotter à lhorreur du monde, à le montrer et à le mettre en scène, une manière de laccepter à défaut de lexorciser. Car oui, la réalité dépasse en horreur ce que jamais on ne pourrait jamais imaginé (tel ce petit tableau un peu flou où des femmes sont aux lavoirs, 2 pêcheurs au premier plan, au milieu un cours deau, atmosphère tranquille, pas si sûr car si lon sapproche on voit flotter dans cette eau qui vit qui semble suivre son chemin, de drôles de choses, en fait des animaux et même un ftus pas du tout vivants car la réalité de cette époque cétait dabandonner des bébés et les prétendues lavandières étaient chargées de la mise à mort). Cest notre guide passionnant qui nous la appris, car cétait impossible de le savoir rien quavec nos yeux
Je sens que ce com prend une tournure un peu foutraque qui me plait. Foutraque, je ne sais pas si Lacombe létait mais il na pas hésité à mélanger les genres, à toucher à tout et souvent avec bonheur.
De ses marines et paysages symboliques aux couleurs pétantes, aux vagues furieuses et aux gouffres vertigineux, dautant plus déconcertants que les angles de vue sont multiples, à ses paysages serpents qui ressemblent à ceux de lunivers de Ranson, il va pourtant se singulariser. Dabord il est beaucoup moins fasciné que Ranson par la femme, Ce nest pas elle qui lintéresse, cest lhumain et la nature, ou comment lhumain se place dans la nature, dans le grand cycle naturel. Alors oui, il peint des femmes, mais bof elles sont loin dêtre aussi attirantes que celles de Ranson car en fait il nidéalise pas les personnes à linverse de son ami, il peint des femmes lourdes, paysannes, ancrées dans la réalité (les hommes aussi ne sont pas idéalisés loin de là).
Là où Lacombe excelle, cest en sculpture, il manie la gouge de main de maître, ses bas-reliefs et ses personnages en bois en témoignent. Notamment son christ majestueux qui témoigne dune zénithude absolue, puisque nétant ni clouté ni blessé. Tel un pharaon serein, celui-ci nous contemple les yeux mi-clos du haut de sa croix, comme en lévitation. Cest tout de même une sculpture taillée dans un seul grand morceau de bois (à part les bras étendus rajoutés après) et elle semble si légère que lon se prend à rêver, nabi ne signifie-t-il pas mage ? Sans oublier le détail comique quand plus loin, on découvre la photo de Lacombe prenant lui-même la pose avant de créer son christ. Il devait quand même bien samuser ce géant de Lacombe, quon appelait le nabi sculpteur, on aurait aussi pu le surnommer le nabi farceur tant il passait son temps à syncrétiser toutes les influences.
Farceur et doué en dessin, donc en caricature aussi. Il y a beaucoup de vie dans ses bonhommes moustachus, ses femmes du monde faussement élégantes et ses abbés ventrus et rigolos. Dailleurs il croque merveilleusement son petit ami Ranson et lui-même en grand échalas déambulant à vélo, peut-être utilise-t-il aussi son penchant à caricaturer pour digérer les aléas et les aberrations de lexistence, certainement par exemple quand on sait que Ranson est venu se réfugier un très grand moment (des années !) chez Lacombe dans cette famille qui nest pas la sienne alors que pourtant sa femme vient de mettre au monde son unique fils. Lacombe devait être un véritable ami pour Ranson pour accepter quil vienne vivre chez lui sans le juger sur une attitude qui parait révoltante.
Après avoir vu les deux expositions et avoir parcouru les catalogues, après avoir observé leurs uvres, je me dis que ces deux caractères opposés se complétaient merveilleusement. Lun (Ranson) était un artiste tourmenté dont les uvres sont torturées et « romantiques, avec une attirance pour le surnaturel qui permet de supporter pas mal de choses, tandis que Lacombe me parait être un artiste et une personne bien dans sa peau et ses baskets, même sil ne devait pas en porter à lépoque. Il a ainsi réalisé de nombreux portraits et de sculptures de ces amis artistes, scientifiques, on sent chez lui une sociabilité évidente que Ranson ne possédait pas, une sociabilité qui le pousse à aller vers les autres et une confiance en lui qui lui fait essayer tous les styles, toutes les matières sans complexes et sans à priori .
Il teste même le néo impressionnisme comme Signac et Seurat (encore deux faux frères, je les confonds toujours ces deux-là). Une de ses toiles étonnantes est une marine, intitulée la baie (en Corse, à Cassis, je ne men rappelle plus ) avec plein de petits points colorés. Ca papillonne et ça se brouille devant lil, on est ébloui au propre comme au figuré.
Alors bien sûr à la fin de sa vie, il rentre un petit plus dans le moule, ses uvres sont plus classiques mais beaucoup dartistes font un retour aux sources quand ils vieillissent et reviennent souvent à ce quils ont un moment ébranlé comme Chirico, Picasso et aussi Ranson.
Ranson, dont la mort a profondément affecté Lacombe, qui a multiplié les portraits et les sculptures de son ami après quil ait disparu. Ainsi va la vie et la mort à jamais liées, les vivants souvent rappellent les morts à la vie, avec tous les moyens qui leur sont bons.
Si Ranson est mort en 1909 de la fièvre typhoïde, Lacombe lui survécut 7 ans et séteignit en 1916 de la tuberculose. Curieusement, malgré son talent, cet artiste attachant et touche à tout nest pas très connu, peut-être parce quil na jamais cherché à exposer, à vendre ses uvres, à être célèbre de son vivant.
« Pour le plaisir », ça aurait pu être sa devise
La mienne aussi, je me suis fait plaisir en écrivant ce com avec les 10 (non 11) mots imposés en commun avec mes amis après notre visite de l'expo "les univers de Lacombe". En fait tout roule quand on aime ce qu'on raconte, quelque soit le "th'aime".
Merci à l'art et à mes amis d'exister...
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