J'ai vu Bambi pour la première fois. Eh bien, une partie de mon monde s'est encore écroulé. Vous croyez vous souvenir d'une adorable mouffette aux grands yeux, d'un adorable Bambi aux grands yeux et aux patounes adorablement flageolantes ? Propagande, ou souvenirs reconstruits après le refoulement implacable du reste du film.
Je n'arrive pas à me souvenir de la scène de la naissance de Bambi elle-même, à la place je ne vois que d'horribles scènes de documentaire animalier sur l'accouchement des gnous, bref, il faudra vérifier. Enfin, une biche, ça assume d'être mère célibataire.
Ensuite, ça commence. Bambi est débile, du coup les autres animaux le prennent comme souffre-douleur. Dans le résumé du film il est dit que les autres animaux l'adoptent comme ami et lui enseignent la nature. C'est absolument faux. Observez Pan-Pan avec attention et dites-moi quel genre d'ami c'est. Pan-Pan dévore Bambi des yeux parce qu'il est à l'affût de la moindre erreur. Bambi apprend à parler, on essaie de lui faire dire "Bird" devant un oiseau ; alors il balbutie "Buh-buh-buh... buuuuuuudd", ce qui est déjà pas mal pour son âge. Mais tous les lapins se foutent alors de sa gueule, d'une manière vraiment désagréable et pas du tout encourageante. Ensuite, Bambi apprend le mot "Fleur". Un animal noir et blanc sort alors des fleurs, et Bambi l'appelle Fleur. Regardez la réaction de Pan-Pan (là !!! http://www.youtube.com/watch?v=_baARWvmPd4 ) : il force un rire absolument humiliant et se ROULE PAR TERRE de manière outrée. Le message est clair : "Que tu l'aies appelé Fleur me fait beaucoup rire, car c'est un animal MOCHE et surtout un GROS PEDE". (Fleur est incroyablement efféminé, on ne comprend même pas qu'il est mâle avant la moitié du film). Fleur a la gentillesse de désamorcer la situation en disant que ça ne le dérange pas, mais c'est Pan-Pan le chef de bande, et l'insulte a porté.
Séquelles : Bambi ne pipera plus un mot de tout le film, ou alors de manière à montrer qu'il a gardé de tout ça un énorme problème social. Il se ridiculise complètement au moment de rencontrer une bichette de son âge : celle-ci se montre tout à fait dégourdie, alors que la mère de Bambi ne sait plus où se mettre tant son fils a des réactions de bébé (il se cache derrière elle, puis derrière un buisson, jusqu'à tomber le cul dans l'eau à force de paniquer et de vouloir reculer).
Bambi est donc un enfant plus ou moins "en demande" lors de la scène la plus bizarre du monde. Sa mère insiste pour l'emmener dans la clairière, sans raison (dans ma région d'origine, on met plutôt les enfants dans un congélo). Ensuite, coups de feu, tout le monde court, Bambi rentre à la maison. C'est le moment que choisit le père pour revenir dans la vie de son fils, lui dire "Ta mère ne rentre pas ce soir", et tourner les talons aussi sec pour le ré-abandonner. Bambi reste K.O devant cette double perte assénée en deux secondes. Donc la fameuse scène de la mort de la mère n'existe même pas, tout tourne autour de la cruauté du père.
Après, c'est le printemps et tout le monde a grandi. Bambi, Pan-Pan et Fleur ont les hormones en feu, et commencent à parler "des filles" (ou plutôt, Pan-Pan parle, Bambi écoute et Fleur ne la ramène pas). Explicitement, les filles sont des créatures à la fois incompréhensibles et dangereuses, car elles vous font perdre l'esprit pour vous arracher à vos amis (toute fille est une sorte de Circé). Chacun son tour est outré et dit "Non, non, cela ne m'arrivera pas à moi". Arrive alors une lapine MAQUILLEE EN PUTE !!! qui fait perdre la tête à Pan-Pan à force de déchanchements plus que suggestifs ; Pan-Pan, les yeux exorbités, devient complètement dingue, oublie immédiatement ses amis et le reste, et fonce la choper derrière un buisson. C'est ensuite le tour de Fleur, qui rencontre une sorte de mouffette couguar tellement autoritaire qu'elle parvient à le remettre dans le droit chemin !!! Toute cette scène est extrêmement choquante. Après, on va parler de l'innocence de Bambi, la la la.
Bambi est lui aussi sur le point d'avoir sa part du gâteau lorsque 1) un autre mâle en rut l'attaque puis 2) Bambi vainqueur et sa copine se font attaquer par des chiens. Deux scènes d'ultra-violence d'un coup, où BAMBI FAIT DU KUNG FU AVEC SES PATTES ARRIERE !!! Non mais vraiment, il fait un high kick qu'un chien se prend en pleine face, c'est incroyable. On est en 1942 et les films de Jackie Chan n'ont pas encore envahi le marché.
Ensuite, il faut fuir l'incendie allumé par les chasseurs. Là, BAMBI SE FAIT FLINGUER !!! Non mais vraiment, il est foudroyé en plein saut par un coup de feu en pleine poitrine !!!
Et là, bizarrerie de scénario qui fait penser à une manga de mauvaise qualité ou à Street Fighter : Legend of Chun Li. Son père réapparaît (son père c'est Diablo), lui dit en gros "Fils, tu dois croire suffisamment en toi-même pour te sortir de ce mauvais pas" (venez, on va à l'hosto voir les gens qui se sont pris un coup de fusil en pleine poitrine et on leur dit de croire en eux-mêmes au lieu d'embêter les médecins), ou plutôt, "Fils, montre-toi digne de moi ou mérite de crever". Sous le coup d'un complexe ahurissant, Bambi se relève et court.
Enfin, ça se calme : le père a rassemblé le troupeau, tout le monde est en sécurité. Et là, scène incompréhensible. Le père et Bambi sont les seuls mâles, d'où une concurrence un peu malsaine. Et là, au lieu de casser la gueule à Bambi et lui dire "Va baiser ailleurs", le père s'efface sans rien dire et disparaît à nouveau, laissant Bambi à la tête du harem de ses belles-mères (heureusement que sa mère à lui est morte, hein). Bambi va alors chez le psychanalyste, et commence une cure de vingt ans.
Ça fait une heure dix, c'est la fin du film, et on se retrouve comme deux ronds de flan. Je pense le revoir bientôt, parce que chaque scène retourne tellement le cerveau que j'en ai immédiatement oublié plusieurs. Mais il faut arrêter de parler de Bambi comme du parangon du film de Bisounours, c'est complètement faux. Du coup je ne suis plus sûre de ce que je dis. Je vais regarder un épisode des Bisounours et je reviens. J'ai un vague souvenir datant de quand j'étais petite chez la dame qui gardait les enfants, il y avait les Bisounours à la télé, c'était à propos d'un scandale qui venait de ce que le Bisounours bleu grincheux avait fait pipi dans son nuage. La vie est compliquée.
↧