La bouche mavale tout rond et me recrachera 3 stations plus tard.
Ce matin, jai pu massoir. Cest rare. Langle de vue en est changé, tout au fond du wagon mes yeux en plongée balayent le sol.
Place Guichard ! Le calme règne au ras du plancher. A lobserver avec attention, une nuée, drôle de mot en ce lieu confiné, de pieds qui semblaient dabord très immobiles sanime.
Il y a là bien campés, deux pieds arrimés qui ne bougeront pas un cil à lébranlement de la rame, jen mettrais mon pied à couper puis un autre, aisé, botté dun cuir de qualité, qui à nen pas douter soffre les services dun bon chausseur.
Et celui-là qui fait sa coquette sale, sa botte sophistiquée, toute strassée na pas vu le cirage depuis belle lurette, jai envie de le gronder.
Et celui-ci qui simpatiente, un mouvement saccadé lagite, pour un peu on aimerait le calmer.
Ces pieds dhiver, biens couverts, dénués de sensualité, sont un peu tristes, résignés peut-être.
Sauf celui qui sest caché derrière un autre insignifiant. Il est menu, se moque des frimas, déshabillé dun escarpin mordoré au décolleté plongeant qui lui découvre la naissance des orteils. A son côté, un pied musicien bat la cadence, adagio man non troppo. Je fredonne, quand élargissant le champ japerçois deux baskets blanches, ponctuées de touches rouges et noires, viriles indéniablement. Ce serait peu remarquable si ne leur faisaient face, deux pas plus loin, presque les mêmes, féminines et toutes noires avec une pointe de blanc et de rouge. Ying Yang. Est-ce une coquetterie du hasard ? je me plais à penser quelles chaussent des pieds amoureux dont on dirait, tout attendri, quils ont trouvé chaussure à leurs pieds.
Je cadre serré. Elles sont lobjet central de ma photo sur toile de fond en camaïeu de noirs, bruns et gris et insolentes, explosent dune belle vitalité.
Saxe Gambetta ! Elles sortent du champ. Larrière-plan fugitivement flouté réacquière sa terne réalité, la photo était mouvante et éphémère.
Jean Macé ! A mes pieds de jouer, quils me guident sans y penser à ma destination.
↧