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Chez Maurice (Momo pour les intimes) par Loumir

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C'est encore temps ? J’étais tout môme 7, 8 ans je crois. Chaque soir en sortant de l’école j’allais chez Momo. Chez Maurice, rue Lacombe, à Clamart, c’était pas un bar américain, pas une brasserie chic, pas un café branché comme on en voit à tous les coins de rue maintenant, c’était un petit bistrot éclairé au néon avec des banquettes en skaï noir, des tables en formica, des vieux qui tapaient le carton et des grappes de filles agglutinées au bar, qui riaient fort et parlaient haut. Paulo, un géant roux, habitué des lieux et corse, parait-il, disait tout le temps ‘’on dirait des moules accrochées à leur rocher’’. Ca me faisait bien rigoler. Mais je ne mouftais pas, c’est qu’il était pas commode, Momo, et après qu’il m’ait servi, d’octobre à mars un chocolat et d’avril à septembre ma grenadine, fallait que je me tienne tranquille et que je fasse mes devoirs. Jamais bien compris quels liens unissaient Maurice et ma mère. Je la voyais pas souvent la mère, elle me récupérait ici sur le coup de 7h, me donnait à manger en vitesse, et filait quand qu’elle croyait que je dormais. De la sortie des classes à 7 heures, je trouvais le temps un peu long, mais j’aimais bien être là et j’aimais bien la rouquine au décolleté vertigineux qui avait toujours un mot gentil et une petite caresse pour ma joue, et l’homme pieux aussi, très bavard. Une fois il était catholique, une autre protestant, et souvent les deux à la fois, bref, il avait l’art de syncrétiser les religions, enfin je dis ça maintenant, avec le recul. Dans le fond, je n’ai qu’un vague souvenir, mais il me semble ! Une fin d’après midi, ils sont entrés dans le bar, je ne voudrais pas caricaturer mais ils étaient terrifiants, deux hommes en uniforme et une femme d'aspect sévère (c’est sûr qu’elle n’ avait pas le même vestiaire que ma mère, celle-là). Ils ont dit que ce gouge n’était pas un endroit pour un gosse (c’était bouge, mais j’avais pas bien compris) et qu’ils allaient m’emmener. J’ai pleuré mais personne n’a bronché et la dame à la bouche pincée m’a tiré sans ménagement par le bras. J’avais été enlevé et j’ai espéré longtemps que ma mère et Momo allaient payer la rançon. Depuis l’eau a coulé sous les ponts, j’ai fait comme j'ai pu mon petit bonhomme de chemin et appris, il n’y a pas longtemps, que la vieille a passé l’arme à gauche. Il faudra que je retourne un de ces jours ‘’Chez Momo’’.

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