LE PETIT TRAIN
Je ne sais plus, je nen peux plus, je ne te comprends plus.
Tu avais dit, « on partagera tout dans le petit train de la vie », les contingences mezzo/mezzo.
Jy avais cru, les yeux dans les étoiles, je trouvais ça joliment dit.
Ce foutu train, cest devenu du train-train, tout confort pour toi !
Quand tu es arrivé au bout de ton chômage, je tai rassuré, cest pas grave, on peut travailler chacun son tour, ça peut être chouette. Mais ça fait combien de temps que cest toujours le mien, de tour ?
Moi aussi, jaurais bien aimé essayer autre chose, me reconvertir, changer dair, « développer ma créativité »
Jaurais surtout voulu que tu maides et me soutiennes, mais tu nas rien entendu. A moi les galères et la fatigue.
Quand jai obtenu le feu vert de la Mairie pour mes nouveaux projets du Centre social, je tai proposé de tembaucher, huit mois, et bien payés, quand même ! en plus je te donnais le choix entre la fresque du mur pignon ou le documentaire « Tenir les murs », ou encore le mix théâtre, danse, musique, que les mômes avaient déjà appelé « Résonances ». Encadrer des ados, les aider à s'exprimer, à organiser et à réaliser leurs idées, cétait gâcher ton talent, pas assez bien pour quelqu'un de ta mesure. Démesure, oui, dans ta tête
Tu as préféré « découvrir un nouvel univers » chez ton pote viticulteur. Maintenant tu transformes la cave, tu y passes ta vie, tu ne me parles plus que pour me demander quelque chose, genre « qu'as-tu fais de lécouvillon ? » Et puis quoi, encore ? tu peux pas dire goupillon comme tout le monde, non ? Tu es est devenu précieux. Bientôt tu me demanderas de te servir à boire habillée en échanson, si ça se trouve
Là, vois-tu, cest la fois de trop !
Marre, marre, marre dêtre seule à bosser, tu te moques vraiment de moi.
Tu vois, ça aurait duré un an, deux, voire trois
jaurais même pu trouver ça normal, mais ça fait bientôt HUIT ! que je me débrouille toute seule pour nous faire vivre. Et oui, je compte le temps, moi. Tu trouves ça mesquin ? Morte de rire, pour ne pas pleurer.
Je me casse, pour de bon, cette fois-ci cest irréversible.
Quelqu'un dautre ? Je rêve, tu trouves que ça ne suffit pas comme raisons ?
Ah ça non, pas question !
Jvais mbalader, jvais tles butiner, les mecs, comme une fleur, juste pour le fun, après jles jette.
Bon, soyons pratiques. Jenvoie demain la lettre au proprio, je paierai les trois mois de préavis, après quoi, faudra te débrouiller sans moi.
Je garde le char, jen ai trop besoin pour bosser. Et puis ça me rappelle de bons souvenirs, quand on avait pu se payer ce voyage au Québec. On avait deux salaires, à lépoque
OK, OK, jarrête, je suis fatiguée moi aussi.
Je reviendrai chercher mes disques et mes livres, je te laisse le reste.
Ce soir, je nemporte que ma brosse à dents et un sac de fringues. Et aussi les bocaux de babalitos et les bonbons de miel de ma grand-mère.
Je vais avoir besoin de sucre dans les jours qui viennent.
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« Le jeu des dix mots » décidé à « La fresque » le 1er mars 2013.
Titre : Le petit train
Mots : babalitos, bonbon, butiner, char, échanson, écouvillon, fresque, irréversible, mezzo, résonance.
Je suis en avance sur la règle imaginée, mais comme je ne suis pas la seule... :-)
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Je ne ne pourrai pas réagir avant plusieurs jours aux réactions, je pars demain à l'aube pour mon île, ce n'était pas prévu, peut-être connaissez-vous l'importance, symbolique et réelle, des enterrements en méditerranée ? Impossible d'y échapper.
Et pour ceux qui restent, c'est bien d'être là, tout simplement.
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