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« Si tu ne m'aimes pas, je t'aime Et si je t'aime, prends garde à toi » is bullshit par PoinG

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J’ai reçu ce manuscrit posté hier soir depuis « Paris-Louvre » si j’en crois le cachet de la poste. Je pense que c’est une erreur ou cette personne aura pensé qu’en ma qualité d’agent littéraire, je pouvais faire quelque chose pour elle. Malheureusement, mon catalogue se consacre exclusivement aux écrits en javanais, voire quelques essais en yaourt. Par ailleurs, cet individu doit être d’une grande distraction, car ses coordonnées n’apparaissent, ni sur le kraft, ni sur le Vélin. Si par le plus grand des hasards, quelqu’un se reconnaissait… Le plus simple serait d’envoyer des signaux de fumée à la même adresse. « Je lui envoyai ce Baudelaire* en guise de cadeau. Je ne me fendis pas trop. Je renonçai à lui envoyer des cadeaux plus conséquents. Parce que lui ne prit jamais soin de ma date anniversaire, ni un bouquet d’anémones, à fleur de renoncement, encore moins un poème. Il ne m’offrit jamais rien, en aucune occasion, exceptés un verre de château la pompe et le rituel expresso avalé au saut du lit. Et pourtant je ne sus pas pourquoi, sa date de naissance s’ancra dans ma mémoire, alors que m’échappèrent celles d’amis plus anciens, plus chers. En gros, nous ne nous devions rien, sinon un supposé respect, très supposé. Ce poème lui colla à la peau comme un gant, entre velours et crin. Il l’entendit côté doux, me répondit : « C’est tout moi ! ». Je sus instinctivement les mots dans lesquels il se retrouva comme dans une culotte de cuir: « savants, amis de la science et de la volupté, silence, ténèbres, (résistant au) servage, fierté, nobles attitudes, solitude, rêve sans fin, reins féconds, magie, mystiques ». Ces vers mirent à jour les images de celui qu’il aurait voulu paraître, parfois vrai, parfois il s’acharna à s’en approcher ou s’en persuada à force de discours tandis que certaines représentations résistèrent, étrangères à sa qualité sans qu’il en prenne conscience. Chacun ne façonne-t-il sa part d’illusion dans l’atelier de ses rêves, où tout espoir n’est encore vain. Mais voilà, un jour anniversaire, caresser la bête est civilité et j’oubliai les mots « austère, mûre saison, sédentaire » et j’en fus remerciée alors qu’il dit crouler sous la charge au point de ne pas toujours être en mesure de céder à la bienséance, gérant les priorités aux dépens du superflu, moi-même élue cinquième roue du carrosse. Et j’eus du mal à m’habituer à ses manquements infectés de mépris à mes yeux comme une conjonctivite, me ravalant au superfétatoire. Il me fallut comprendre qu’il ne serait pas souvent là pour moi, ou l’admettre ou l’oublier. Je ne fus capable ni de l’un, ni de l’autre. Il se dit courtois, généreux, aimable, passionné de sciences, d’art et d’aquariophilie. Plus d’une fois il s’identifia à un poisson nageant dans le vaste univers, en fait un aquarium. Ainsi nageoires et queue, activées avec énergie, lui permirent de s’extraire à sa guise des usages courtois, généreux et aimables, s’autorisant à fuir promptement un espace ou une conversation comme un électron libre sans avoir à se justifier et disparaître sur l’instant du champ comme investi de la nécessité de se protéger. Se concentrant sur mille domaines comme fretin virevolterait au milieu des coraux, butinant goulument un récif puis s’interrompant sans raison apparente pour passer à autre chose sans se soucier de froisser tel ou telle de ses faux-fuyants. Son instinct de préservation ne se laissa distraire, sauf peut-être par l’attraction de l’inaccessible, une femme, un objet, un projet, une planète… Il ne lâcherait sa proie de son attention avant qu’elle ne lui fût acquise. Il en ferait le tour, sucerait tout le sel, puis l’intérêt s’émousserait, il reprendrait ses distances et son singulier savoir-vivre comme un savoir-faire sans entrave propre à son bon plaisir de l’instant. Du chat au poisson, il n’y a pas si loin selon les caractéristiques psychologiques de mon bestiaire. Ajouter qu’il s’identifia sur la fin à un sanglier vint nouer sa chasuble des teintes rogue et sauvage du grand solitaire, drapé du sentiment d’être incompris, ne communiquant qu’avec les ténèbres, l’ombre étant un fard aussi puissant qu’une surexposition à la lumière blanche efface les traits disgracieux. Toujours animée d’un bête espoir, je poursuivis ses marques de reconnaissance tel un petit pot de beurre chercherait sa place dans un menu Dukan et comme on se prend les hauts talons dans la robe en lamé, je me pris pour un Hercule parnassien (« Qui sait pourtant, S’il voyait dans les cieux le soleil éclatant, Ce que redeviendrait cet animal farouche ? Peut-être que les dents cruelles, de sa bouche Baiseraient l’herbe verte et frémiraient d’amour S’il regardait l’azur éblouissant du jour ! »*) Or, comme de juste, le sus scrofa ombreux à la noblesse légendaire ne put se reconnaître dans la vie en rose du cochon domestique que je lui dessinai comme on carresse un mouton. Lassée à mon tour de jouer les braves bêtes par besoin de légitimité, fatiguée de subir l’inconstance chronique pour garder en vie l’idée frelatée d’un semblant de puissance féminine, ou tout simplement, l’attrait du rêve ne m’excita plus autant, admettant enfin qu’il n’aurait d’yeux que pour lui-même et son ombre ou l’une de ses chimères, je me détachai de cette amitié animale et servile, quittant le jeu pour rejoindre le banc de touche en silence, m’efforçant de renoncer à l’illusoire comme on se taille un short, sans attendre ni chants, ni olas qui me rappelleraient à une éphémère et orgueilleuse gloire, comme le douzième homme d’une équipe de football un soir de finale à Spezet. Avec le recul, je me vis attachée à un homme assis sur son nombril. Imperméable et dur, compromis entre Durex et Duralex. En vis-à-vis je mis ma nature impulsive et viscérale sur la table et je la cognai aveuglément contre ce dos immobile, rien ne ressemble plus à un mur qu’un dos mutique, jusqu’à ce qu’il condescendit à se tourner vers moi. Je voulus qu’il me fît jouir, trouvant dans chaque coït endiablé une raison de l’aimer tandis que certaines de ses attitudes me révulsèrent. Avec la distance, je distinguai l’ensemble du tableau et j’entendis qu’il me fût plus supportable de vouloir soulager l’autre de sa nature que tenter de me considérer, comme si par un miraculeux effet de miroir, mon indulgence et ma sollicitude pour sa noirceur purent me sauver de la mienne en ricochet. Cet homme, ni unique en son genre, pas plus intelligent qu’un autre, ni particulièrement bienveillant, ni puissamment sexy, l’eussè-je élu sans le lot de frustrations dont je fus l’objet ? Ne fût-il ma propre flagellation pour me punir de ne pas arriver à exister par moi-même ? En me livrant à une relation empreinte du secret des nuits, ne me laissai-je mâcher dans l’ombre avec délectation par facilité ou par peur de m’exposer au grand jour ? Je pris conscience de lui reprocher de m’instrumentaliser et je l’utilisai tout autant, me persuadant qu’il eut le pouvoir de remplir mon néant et put m’aider à supporter mon inexistence en m’énergisant de fumées. Le chat que je flattai d’une caresse baudelairienne, eut-il la carrure d’un matou lewiscarrollien, capable de disparaître en ne laissant qu’un sourire énigmatique suspendu dans l’air ? On dit que le chat de Cheshire prêta ses formes à un fromage à pâte dure, l’usage voulut qu’il fût goûté en commençant par la queue avant d’atteindre la tête et cette fable vaut bien un problème : Quels paramètres au beau-fixe du baromètre, propulsent, comme poussée d’Archimède, une relation hors du bain ordinaire, sans craindre l’électrocution d’un coup de foudre, fût-il imaginaire? * Les Chats, Fleurs du mal, Charles Baudelaire ** Le sanglier, Les Exilés, Théodore de Banville.

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