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Le petit livre des couleurs : Les bottes rouges par Kairelle

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Tu es bien assis dans ta poussette, les sangles, j’ai eu du mal comme d’hab’ à les accrocher dans c’te foutu clap- mais c’est fait. Voilà, on roule, on se fraye un passage dans la galerie, elle est animée, faut bien conduire, je m’y applique. D’où je suis, je ne vois que tes p’tites bottes rouge-pin-pon (tout ce qui est rouge est couleur pin-pon) elles sont appuyées sur le marche pieds prévu à cet effet ; je les vois... bien parallèles, toutes petites, sereines… Tu regardes autour de toi, et puis tu lèves la tête, tout là haut, vers les grandes baies vitrées qui viennent d’être restaurées, et tu lèves ton petit doigt pour me signaler un oiseau qui passe… La foule est dense autour de nous, j’essaye de la regarder comme toi, tout en me disant que tu apprends tout le temps, tu apprends, tu associes…tu absorbes les relations de cause à effet… ah ! pas simple !… Je me dis : « peut-être que le fait que nous croisions celui-ci ou celle-là, sans lui parler, comme on se parle tous les deux, doit t’étonner ?- Ah ! mais je ne peux qu’en même pas DÉJÀ te dire : « mais non, p’tit bonhomme, dans ce monde, on se croise tu sais, et "ça se fait pas trop", c'est pas dans "les us et coutûmes" de se parler comme ça, quand on se connaît pas, hélas- non, pas comme toi et moi on se parle ! Toi avec tes drôles de petits mots courts, tes onomatopées et … tes regards merveilleusement bavards…, moi avec mes grandes phrases longues et un peu usées, où je tente de t’expliquer ce monde… nan, on fait pas ça dans ce monde là, tu sais…c’t’une histoire longue et un peu compliquée ». Toi, tu vois l’oiseau voler là haut, et tu vois cette petite fille qui étincelle, c’est vrai, dans la foule du magasin, et puis qui part, plouf ! comme ça, un soleil qui s’éteint sans prévenir, ça fait froid. Tu lui as souri… un de ces sourires …et quand elle est partie, tu prononces, l’air un peu étonné, ta première phrase : avec un sujet, un verbe, un complément,… et un cœur étonné… : « elle est pat’it la pitite fill’ ? »…ah… là aussi, c’est pas simple…. Comment t’expliquer ? Mais ton sourire et ton étonnement sont toujours présents. Tu vois bien mieux que moi… moi je sais plus regarder les oiseaux qui volent au-dessus de la grande verrière toute neuve de la gare St Lazare…ni le sourire des lambda…mais attends ! Maintenant que tu m’as montré, avec ton petit doigt, qu’il faut aussi regarder vers le haut… je vois ! Mais oui, le ciel est d’un bleu particulièrement joyeux ce matin, tu as raison petit bonhomme et toi qui sais encore changer les couleurs du temps…garde ce pouvoir longtemps, longtemps... P.S : Michel PASTOUREAU, évoqué ici pour donner de la couleur, est, by the way, un historien passionné par les couleurs -et...franchement passionnant, à lire ou à écouter- Conférences du Louvre ( pas coûteuses) ou ondes radios.

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