Tu es bien assis dans ta poussette, les sangles, jai eu du mal comme dhab à les accrocher dans cte foutu clap- mais cest fait.
Voilà, on roule, on se fraye un passage dans la galerie, elle est animée, faut bien conduire, je my applique.
Doù je suis, je ne vois que tes ptites bottes rouge-pin-pon (tout ce qui est rouge est couleur pin-pon) elles sont appuyées sur le marche pieds prévu à cet effet ; je les vois... bien parallèles, toutes petites, sereines
Tu regardes autour de toi, et puis tu lèves la tête, tout là haut, vers les grandes baies vitrées qui viennent dêtre restaurées, et tu lèves ton petit doigt pour me signaler un oiseau qui passe
La foule est dense autour de nous, jessaye de la regarder comme toi, tout en me disant que tu apprends tout le temps, tu apprends, tu associes
tu absorbes les relations de cause à effet
ah ! pas simple !
Je me dis : « peut-être que le fait que nous croisions celui-ci ou celle-là, sans lui parler, comme on se parle tous les deux, doit tétonner ?- Ah ! mais je ne peux quen même pas DÉJÀ te dire :
« mais non, ptit bonhomme, dans ce monde, on se croise tu sais, et "ça se fait pas trop", c'est pas dans "les us et coutûmes" de se parler comme ça, quand on se connaît pas, hélas- non, pas comme toi et moi on se parle !
Toi avec tes drôles de petits mots courts, tes onomatopées et
tes regards merveilleusement bavards
, moi avec mes grandes phrases longues et un peu usées, où je tente de texpliquer ce monde
nan, on fait pas ça dans ce monde là, tu sais
ctune histoire longue et un peu compliquée ».
Toi, tu vois loiseau voler là haut, et tu vois cette petite fille qui étincelle, cest vrai, dans la foule du magasin, et puis qui part, plouf ! comme ça, un soleil qui séteint sans prévenir, ça fait froid.
Tu lui as souri
un de ces sourires
et quand elle est partie, tu prononces, lair un peu étonné, ta première phrase : avec un sujet, un verbe, un complément,
et un cur étonné
: « elle est patit la pitite fill ? »
ah
là aussi, cest pas simple
. Comment texpliquer ?
Mais ton sourire et ton étonnement sont toujours présents. Tu vois bien mieux que moi
moi je sais plus regarder les oiseaux qui volent au-dessus de la grande verrière toute neuve de la gare
St Lazare
ni le sourire des lambda
mais attends ! Maintenant que tu mas montré, avec ton petit doigt, quil faut aussi regarder vers le haut
je vois ! Mais oui, le ciel est dun bleu particulièrement joyeux ce matin, tu as raison petit bonhomme et toi qui sais encore changer les couleurs du temps
garde ce pouvoir longtemps, longtemps...
P.S : Michel PASTOUREAU, évoqué ici pour donner de la couleur, est, by the way, un historien passionné par les couleurs -et...franchement passionnant, à lire ou à écouter- Conférences du Louvre ( pas coûteuses) ou ondes radios.
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