Quantcast
Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

APU-KUNDUR par Ashaninka

$
0
0
Plus qu’un oiseau, massif, le grand oiseau obscur, moche, au bec recourbé, et à la truffe cornée où pourraient nicher un albatros et deux palombes. Le cou pelé, et un béret de vieux satin, le grand Condor ressemblent à une dinde vêtue de deuil. Il est au dessus, en dessous et au-dedans il est moi, tu es lui, il est Apu-Kundur, le Dieu Condor. Quand dans le Château des Aigles je me suis risquée à m’approcher de sa chaîne, il m’a regardée avec des yeux inexpressifs, sale, il ressemblait à une âme en peine avec sa crête haute sur le sommet de son crâne il semblait être un parent de Quetzalcoalt, le serpent ailé. Ensuite la créature condamnée et ennuyée cherchait à tourner le dos et fuir en débandade. Prisonnier, loin de ses hauteurs il quitte son vieux corps emplumé et par la pensée gagne sa liberté. Cependant il a en lui la lumière sacrée, l’âme des tragédies, les plumes des écrivains et il garde son identité première dans les hauteurs célestes, où ne peuvent l’atteindre les regards prétentieux disposés à juger son apparence et son aspect crasseux. Car là bas, sur les hauts rochers des plateaux andins, son blanc est « argent » et son noir est « nuit », ses yeux sont le miroir du monde. Le Condor n’a qu’une aimante par vie, une compagne inséparable chauve et voûtée comme lui, et aussi gracieuse qu’un bouffon dérisoire. Les deux amants amoureux sillonnent les paysages, dans l’oxygène raréfié au-delà des nuages que transpercent les pics montagneux et ils semblent se dire : «tant que je vivrais, je t’aimerai mon monstre à moi… » Et ainsi passent-ils leurs jours, s’alimentant de la nichée de l’évolution des chaînes des autres vies vécues. Le condor a un cœur et une conscience, il est affectueux, désire et aime l’insolite colombe de ses songes ; sa fidèle compagne. Son amour est si grand, si pur, que si l’un deux est emmené par la mort, celui qui reste, loin de survivre solitaire sur le plateau d’une vie aride sans amour, s’envole décidé, jusqu’à frôler le toit de l’atmosphère là où ses ailes presque… s’enflamment. Alors il les plie le long du corps et se laisse tomber en torche jusqu’au sol, où le cœur étoilé lui ouvrira les portes de l’autre ciel, celui de la mort. Plutôt que d’angoisse ressentir l’absence de sa moitié, il préfère choisir le même sort afin de la rejoindre dans l’autre monde. Cela fait longtemps qu’à la place du poulet géant et laid que voient les profanes, je vois la cape obscure d’une fée, et dans le rauque soupir de sa gorge, un poème indéchiffrable d’appels qui s’échappent vers les hauteurs vertigineuses où elles demeurent figées, éternelles traversant les temps pour que nous comprenions que ce qui est beau est au-dedans. Pour que la conscience animale ne nous quitte pas et que nous ne nous perdions pas dans un jugement de valeur seul la valeur de l’amour compte le condor se sacrifie à son amour et son sang nous dit ce qui est au dessus, ce qui est en bas, ce qui est au-dedans. Dédié à ceux qui se consacrent « au-dedans… » à ceux qui scrutent, observent … ceux qui offrent des opportunités sans abandonner les persévérants.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Trending Articles