Elle était chirurgien, déjà ça avait attisé ma curiosité, plutôt rare les femmes qui embrassent cette profession.
Javais du mal à limaginer tranchant la chair à vif, tronçonnant des fémurs ou des péronés, sectionnant des ligaments, dégageant des rotules, se reculant pour éviter de prendre une giclée de sang.
Je regardais ses mains plutôt petites, ses doigts impeccables, les ongles coupés courts, aucun bijou, hormis une montre au poignet.
Elle me regardait droit dans les yeux avec un air de dire « alors, quest ce que vous voulez ? Je suis à vous pour 10 minutes mais nespérez pas plus ».
Javais compris au ton et au comportement de son équipe que ce nétait pas nimporte qui, elle semblait à la fois bénéficier dun respect et dune protection attentionnée.
« Métier difficile ? Je ne sais pas mais avec des contraintes cest sûr» me dit-elle, « je ne peux pas me permettre darriver fatiguée pour opérer, « ma vie est presque celle dun sportif de haut niveau, pas question de faire la fête ou simplement de me coucher tard la veille dune opération ».
« Jen ai vu des collègues décrocher parce quils ne pouvaient plus faire face à la pression en salle dopération, tenir le timing, affronter le regard de léquipe quand les gestes sont moins assurés. »
Elle portait des vêtements de ville et javais juste eu le temps dapercevoir ces chaussures vertes assorties à son pull quand elle mavait accueilli. Ses cheveux mi longs étaient plaqués sur son crâne et attachés derrière avec une pince. Cétait une brunette aux yeux pétillants qui donnait une impression de maîtrise de soi qui mimpressionna.
Javais été séduit.
Jarrivais au bout de cette série dinterviews qui mamenait à rencontrer tous les chefs de service de ce petit hôpital de province. Je devais y retourner encore le lendemain pour rencontrer le Directeur.
La nuit, javais rêvé delle : elle minvitait à manger chez elle et en découpant une volaille, elle se tranchait le doigt.
Le lendemain matin, je la croisais dans le hall dentrée de lhôpital ; à ma grande surprise, elle exhiba sous mon nez un magnifique pansement qui entourait son index. « Vous voyez, dit elle, on nest jamais à labri dune seconde dinattention et je suis sûre que vous ne devinerez jamais comment je me suis fais ça ! »
Je répondis du tac au tac « en découpant un poulet ».
Cest la seule fois où je la vis perdre sa maîtrise, pendant quelques secondes elle sembla déstabilisée puis se reprenant aussitôt elle dit « gagné, vous devriez jouer au loto, vous ! »
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