Quelques nouvelles de l'espace
Ca fait maintenant un siècle que notre navette est partie, enfin un siècle en temps humain, parce que pour nous compte de la vitesse à laquelle nous avançons, le temps pour nous a avancé uniquement de 20 ans.
J'ai 58 ans biologique, j'ai mis le pied dans la navette à 38 ans avec Clotilde , elle en avait 30 ans, juste après la grande crise de 2008, qui a conduit au désastre de 1014, cette guerre mondiale qui a dévasté nos cités et la moitié de la terre.
Elle a décollé en Janvier 2014, et depuis 2 ans je préparais notre départ céleste, en me doutant de ce qui allait arriver.
Clotilde a un peu râlé de laisser le poste important qu'elle avait comme DRH d'une grosse société en me rappelant qu'elle avait fait bouillir la marmite pendant que je vivais dans mes rêves absurdes de chercheur.
D'accord j'étais un peu à coté du monde réel, mais la fusée je l'ai construite sans que ça lui coute un sou.
J'avais un copain ferrailleur dont le parking n'arrivait plus à contenir la masse de bagnoles usagées, j'y ai trouvé tous les matériaux nécessaires à la construction, même pour les moteurs de lancement, puisque le carbure de tungstène se trouve en partie dans les organes de direction
et une partie de la culasse. Vu la quantité d'épaves je n'ai pas eu de difficulté à avoir la quantité nécessaire pour les 2 tonnes de moteurs.
Coté carburant pour le décollage, les fonds de cuve des réservoirs ont été largement suffisants pour être transformés en propergol.
J'ai monté l'engin dans le Vexin , près d'un petit village Evecquemont, où il y avait pas mal de terrains en friche , les paysans ayant mis la clé sous la porte pour la majorité d'entre eux après 2013 et rejoints les grandes villes dans l'espoir d'y survivre.
Coté nourriture pour le voyage , j'ai bien pensé mon coup, un stock de protéine déshydratée, j'ai eu plus de problème pour me garantir une approvisionnement en eau, mais j'ai enfin trouvé la solution avec ces bonbonnes de gaz hydrogène et oxygène sous pression plus le détonateur spécifique qui me permettait de faire de l'eau très pure que j'ai récupérée ensuite avec un recyclage presque intégral, j'ai de l'eau pour deux siècles ! Mon stock de protéine a réduit de moitié mais depuis 5 ans, j'ai réussi à faire un peu d'agriculture sur du terreau que j'avais emmené et mon stock baisse de moins en moins vite.
Tout va bien enfin presque.
Nous avons épuisé notre stock de films, de bouquins et de musiques.
Clotilde est aussi beaucoup moins intéressée par faire l'amour.
Alors les distractions sont rares et le boulot est assez calme, observer les quelques météorites qui risquent de heurter notre navette , calculer les écarts avec Tau Céti, Tau Ceti est une étoile de la partie méridionale de la constellation de la Baleine dans le bras d'Orion. Située à 12 années-lumière de la Terre.
Comme le truc génial que j'ai mis au point, c'est qu'une fois dans l'espace nous sommes mus par le vent de photons émis par les étoiles ce qui fait que nous accélérons sans cesse, actuellement à 50 % de la vitesse de la lumière, ça fait qu'on sera sur Tau Céti dans moins de 10 ans.
Les gamins ont maintenant 15 , 13 et 10 ans, deux filles et un petit gars le dernier. On les a eu avec Clotilde dans les premières années.
Clotilde me dit que ça sert à rien d'en avoir eu, puisqu'ils n'ont pas le droit, d'après la loi de se marier étant frère et sur.
J'ai renoncé à lui expliquer que la loi dans la navette n'est plus et ne peut plus être celle de la terre.
Ce à quoi elle me répond que si j'épouse une de mes filles, elle me tuera !
Ca je comprends, ça me semble normal. Mais bon ,nous on a eu une descendance, mais nos enfants comment vont-ils faire ?
Alors j'ai eu une idée, comme j'avais un bon copain au CNRS qui travaillait dans le laboratoire génétique, il m'a filé une série de pipette pleine de gamète mâle et femelle et j'ai bossé avec lui la technique de transplantation ovulaire. Je pense que je pourrais inséminer mes filles avec ça , quant au petit gars, je ne sais pas quoi faire. Enfin je me dis que si mes filles ont des enfants avec des cellules d'étranger, peut être que le petit gars pourra trouver chaussure à son pied dans 20 ans.
De toute façon je ne serai plus là pour voir ça.
Hier (c'est à dire il y a un mois en terme humain) ,j'ai capté un dernier message de la terre, mais c'était dans une langue inconnue, après que j'ai consulté mon dictionnaire alphabétique et phonétique, j'ai compris que c'était du Bantoustan. Comme j'avais une dico franco-bantoustans
, vu que je suis un homme prudent et avisé , j'ai pu le traduire :
"Ici Ondangwa en Ovamboland, nous avons recueilli de nombreux africains qui ont fuit les villes dévastées par les radiations atomiques, les nouvelles du monde sont affreuses, mort et désolation partout, nous avons tenté de sauver ceux qui peuvent l'être mais la plupart ont des séquelles terribles de radiations. Nous lançons un appel au secours dans l'espace pour qu'on vienne nous aider à sauver les hommes survivants..." puis la communication a été coupée.
Clotilde m'a dit "c'est affreux" dans cette guerre il n'y a plus de lois et de morale.
"Qu'est ce que je te disais..."
Elle m'a regardé, puis elle a compris, m'a souri et est venu m'embrasser
On s'aime dans notre fusée du bout de l'univers, tant que ça durera , je trouverai des combines pour qu'on s'en sorte.
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