Ainsi il marchait. En fredonnant. Au bord du canal qui longeait la digue.
Cétait la Hollande, ce pays bas, et plus bas que la mer
Et la Zélande semblait bien gardée.
Ici on empêchait vaille que vaille et depuis toujours
L océan et les rivières denvahir la terre fragile
On empêchait les eaux daccabler le pays.
On savait aussi quune seule négligence
Un oubli, une erreur, de léclusier,
Pouvait savérer fatale
Et causer la ruine de tous.
Tout en trottant, lenfant blond
Remarquait combien les pluies dautomne
Avaient gonflé les eaux.
Cependant il ninterrompit point sa chanson.
Des fleurs bleues saluaient au passage le bel enfant
Qui comptait bien rapporter à sa mère un bouquet.
La brise en haut des arbres accompagnait son chant
Il crut même un instant voir senfuir un lapin dans les herbes
Peu à peu la peur le saisit
Le soleil venait de plonger au fond de lhorizon
Et les ombres du soir se chargèrent de noir
Il était loin de sa maison
Dans un ravin solitaire
Entre la terre et leau
Son cur se serra, il se prit à courir.
Des histoires tragiques lui venaient à lesprit
Denfants perdus la nuit au fond des marais
Et que jamais on ne retrouva.
Soudain un bruit deau tombant goutte à goutte
Le fit tressaillir.
Il scruta devant lui létendue de la digue qui retenait la mer
Et aperçut dans les murs épais un petit trou
Doù séchappait un mince filet deau.
Nimporte quel enfant en Hollande frissonne à lidée dune fissure dans les digues
Il comprit immédiatement le danger.
Ce trou insignifiant, leau ne tarderait pas à lagrandir
Et ce serait le drame.
Prompt et agile, il grimpa sur le mur
Et, sy installant à califourchon
Se pencha pour atteindre le trou
Et il y mit son doigt...Le pouce, dit l'histoire.
Et un doigt suffit à luvre :
Lécoulement sarrêta.
La mer pourra bien sacharner
Pensait-il soulagé
Tant que je resterai là
Haarlem (cétait le nom de la ville) ne sera pas inondée.
Au début, cela alla bien.
Mais avec la nuit et le froid
Lair finit par devenir glacial.
Il se mit à crier, pour alerter quelquun.
Mais personne ne vint.
Il appela sa mère. Il implora son père.
Son doigt, puis sa main, puis son bras
Furent peu à peu engourdis par le froid
« Alors il pria Dieu de venir à son secours, et la réponse lui arriva sous forme de résolution :
« Je resterai là jusquà demain matin, » se dit-il.
« La lune de minuit put voir la silhouette solitaire de lenfant, non plus à cheval sur la crête de la digue comme au début de sa faction, mais couché sur cette crête, le bras étendu, immobile, le doigt toujours dans le trou. Le petit martyr avait la tête baissée, mais il ne dormait pas, car, de temps en temps, sa main gauche frottait fiévreusement son bras droit rivé à la digue, et parfois aussi son visage, se retournant vivement à quelque bruit réel ou imaginaire, apparaissait pâle et couvert de larmes à lastre des nuits. »
« Qui saura jamais les douleurs de cette longue et cruelle veillée ! Qui pourra dire les alternatives de courage et de défaillances de ce petit cur intrépide, quand durant cette nuit terrible, il songeait à son bon lit qui lattendait à la maison, à son père, à sa mère, à ses surs et à ses frères endormis. Sil retirait son doigt de ce trou, les eaux rendues plus furieuses par sa longue résistance, il le pensait ainsi, se précipiteraient soudain et ne sarrêteraient que lorsquelles auraient balayé la ville entière. Oh oui ! il resterait là jusquau jour sil nétait pas mort avant ! Certes, il nétait pas assuré de vivre jusque là. Que signifiait cet étrange bourdonnement dans ses oreilles ? Et puis ces douleurs aiguës qui semblaient le traverser des pieds à la tête ? Son doigt aussi avait enflé. Est-ce quil pourrait le retirer quand même il le voudrait ?
« Cependant il demeurait pour le salut de tous.
« Au point du jour, un bon prêtre qui revenait de passer la nuit au chevet du lit de lune de ses ouailles malades, crut entendre dans le silence du matin et tandis quil marchait sur la partie supérieure de la digue, de sourds et faibles gémissements. Se penchant en avant, il vit lenfant qui paraissait se tordre dans la douleur. « *
Lenfant fut sauvé et il sauva sa ville. On reboucha le trou, on renforça la digue.
Hans Brinker* le petit garçon est ainsi devenu un héros et une légende.
Il y a aussi cette devise en latin du royaume de Nederland :
Luctor et emergo (Je lutte pour ne pas me noyer- et j'émerge des eaux).
Quand on sait que les deux tiers du pays sont sous le niveau de la mer cela prend tout son sens.
http://youtu.be/elIVVvKH2hw Documentaire sur Hans Brinker animation
* Daprès louvrage de Mary Mapes Dodge « Les Patins dArgent » 1865
http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/dodge-mary-mapes-les-patins- dargent.html
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