Juliette Binoche incarne magistralement, dans le dernier film de Bruno Dumont, la Camille Claudel de 45 ans, internée par son frère Paul Claudel à l'hospice de l'Abbaye de Montdevergues à Montfavet.
Une femme au visage habité par ses regrets, hantée par ses blessures incomprises, mais qui reste mobile et perçoit avec lucidité l'entourage semi carcéral qui n'est pas fait pour elle.
90 minutes durant, filmée de très très près... dire qu'elle est bouleversante serait un faible mot.
J'ai pleuré sur toute la longueur de ce portrait d'une femme de tant d'intelligence et de talent, enfermée au milieu des nonnes et d'internée bien plus atteintes.
Souffrant d'anomalies de naissance, ou de diverses formes de folie aliénante, ces femmes pour qui le lieu pourrait paraitre plus accueillant, lui renvoient en miroir une image sidérante et amplifiée de son exclusion, de sa souffrance. Camille témoigne de sa grande humanité en parvenant parfois à les approcher, les soutenir, malgré le rejet profond de la condition qu'elles partagent.
C'est une femme qui espère encore être comprise, libérée de cet isolement forcé...
La tragédie du film sera la rencontre avec son frère tant attendu.
Celui-ci la quittera pour ne jamais lui permettre de sortir de ce lieu, où elle mourra.
Il se révèle aussi enfermé, mais dans un délire mystique, se croyant en dialogue avec Dieu alors qu'il ne dépasse jamais l'horizon de son immense égo.
Tragédie de la non-rencontre, avec une soeur brillante qui a commis, pour tout crime, celui d'une relation passionnelle hors mariage... et peut être celui d'être une immense artiste flouée par les hommes et par son milieu.
L'histoire de Camille Claudel 15 ans après Rodin est celle d'une magnifique sensibilité enterrée vive. La tragédie absolue du déni de tous droits, pas si loin en remontant dans l'histoire des femmes du 20eme siècle.
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