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Faux bond par Qui va la

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Ma vieille amie s’est évanouie dans la nuit sans bruit. Nous avions encore un bel été devant nous. Elle m’a prise au dépourvu, le tarmac, on oublie, ce n’est plus la peine. Au dernier voyage, tout était blanc. La neige était tombée toute la nuit, j’étais arrivée l’avant-veille, du soleil, du sable et le cri des mouettes dans ma valise. Je savourais ce bonheur retrouvé des matins de première neige, je tendais l’oreille pour ne rien perdre de ce silence si particulier. «Tout est prévu. Ils s’occuperont de tout. Le crématorium, et puis voilà. Je ne veux personne. » Elle avait soufflé ça très vite, en sautant du coq à l’âne. Le ton m’avait un peu chiffonnée. C’était sa volonté ? Inutile de jouer l’effusion. Si on attrapait les perches qu’elle faisait mine de tendre, la herse tombait aussi sec. N’empêche, maintenant qu’on y était, elle n’allait pas s’en tirer à si bon compte. Effacée pour de bon ? Je ne saurais plus rien d’elle, d’aucune manière ? Tout simplement impossible. Je savais bien qu’elle se glisserait dans mon sommeil pour un dernier mot. Ce qu’elle fit, telle qu’en elle-même. Elle est bel et bien morte, l’affaire est entendue, mais il lui reste ces quelques heures offertes, le temps de se retourner. Je l’aide à ranger deux ou trois choses, elle tient absolument à mettre un peu d’ordre dans sa maison, avant de descendre en ville. Un rendez-vous apparemment important. Elle s’installe à côté de moi, à la place du mort. Très vite les embouteillages l’exaspèrent. Je ne comprends pas son impatience, j’aimerais plutôt qu’elle hausse les épaules, une dernière pagaille, un léger contretemps, il n’y a plus mort d’homme, mais je connais mon oiselle, elle peut devenir un tantinet odieuse si on ne devine pas ses désirs. « Ton cercueil, c’est ça ? Tu veux que je t’accompagne ? » Elle me jette ce coup d’œil en coin que je reconnaîtrais entre mille, un petit cocktail défi-malice savamment déconcertant. Je nous vois arpenter les allées du show room, et surtout je l’entends, elle, répondre à l’homme au costume sombre qui lui parle poignées cuivre ou argent, capitonné satin ou soie « m’en fous, c’est pour brûler ». L’urgence, c’est d’aller là-bas, encore une fois. Il faut marcher un peu, contourner un chicot rocheux, longer la falaise. Visage plein de bruine, semelles pleines de glaise, elle dépasse la cascade et m’entraîne plus loin, là-bas. Ce lieu, je serais incapable de le décrire. Ce n’est ni un temple, ni une forêt, mais ce n’est rien d’autre non plus que cette sensation vaguement sacrée qu’on éprouverait en s’asseyant par effraction sur le banc le plus reculé d’ une vaste cathédrale à ciel ouvert, les yeux happés par je ne sais quelle scène improbable qu’on ne pourrait que regarder indéfiniment.

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