Ma grande petite fille,
voilà quarante ans que tu n'es plus ici, disparue d'une traite en deça de la vie . Rien en moi sinon cette mémoire que j'aurais eue à porter en dedans pour une vie sans autre histoire que vivre un peu de ton jour et de ça qui aurait du être, mais n'aura jamais lieu .
Le feu couvre le sépia des matines et l'enfance s'écorne aux voix des hivers et des étés sans toi . Les gens ne sont autres que par procuration, tes jeux d'enfants, la colère que tu eus pour tes treize ans, l'exil volontaire dans le déni de leur ordre, tout en toi disait non à ce monde, tout en désirant vivre pourtant .
Un mensonge permanent, une idée pour vivre, pas de dieu ni d'abri sur ta route, rien .
Tu aimais la violette de Parme, les vergers emplis de la lumière et les chants des pâtres de ton pays, ton pays aujourd'hui lui aussi effacé . Un rivage et une île des morts au milieu d'un lac fertile, sans nocher de malheur. Abeille tranquille enchante un peu le monde, mais ne maudis pas, là où tu es , le mortel idiot que je suis !
Pourquoi as-tu choisi le mal ?
Il-y-a encore cette vie dévastée, les landes transparentes du verbe et quelques carillons, ça et là, pour te porter le petit secours au fantôme de perdition, toi, seule à jamais et ma meilleure ennemie . Je t'ai aimé avec délice et ai détesté pourtant ce personnage de mort et de violence que tu as été trop longtemps. Il me semble qu'il t'aura dévorée comme au dedans, toi et ta pauvre magie . Ta pauvre magie .
Satan a perdu, vous le saviez . Ainsi naissent les amours qui ne mènent nulle part ...
Quarante ans, offices du silence, rituel blanc, confession du mal et du bien, puis, plus rien sinon la partition de la flute du meneur d'âmes vers la chute très étroite . Une âme immense qui n'aura rien conçu .
Je ne peux même pas te dire ce simple mot, adieu .
Jamais plus ?
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