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Une journée comme je les aime par LedZepFriend

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Il y a toujours du bon à prendre même lorsqu’une météo capricieuse vous empêche de réaliser ce que vous aviez programmé. On ne peut pas dire qu’en cette journée du 15 Août 2010, le beau temps ait été au rendez-vous. Ma sortie prévoyait d’assister à un spectacle en plein air, à Pierrefonds, avec mes deux enfants. Une société de production y avait installé ses caméras pour le tournage d'une série anglaise qui en était déjà à sa 3ème saison et qui s'appelle Merlin. C’était apparemment très suivie en Angleterre car de nombreux touristes britanniques y séjournaient, espérant apercevoir les acteurs concernés. C'est dans ses décors encore en place, le tournage n’étant pas terminé, que des cascadeurs français reconstituent scènes de chevalerie et de cascades, un peu comme à Provins: tournoi, chute de cheval, duels avec toutes sortes d’armes destinés à caresser affectueusement le cuir ou tailler les casques façon mine de crayon des différents belligérants. Mais bon là, c’était un peu trop humide à mon goût. Bref, la journée s’annonçait maussade, crachin et drache se succédant sans cesse. Je devais passer récupérer mes ados à Rethel à 12h30. Un peu en avance, je me suis arrêté prendre un café à l’un des bistrots du coin, le Sanglier des Ardennes (animal assez courant dans ces contrées). Si vous allez sur Charleville par la 4 voies, arrêtez-vous voir Woinic, la plus grande sculpture au monde de ce digne représentant de la région. 50 tonnes de fer soudés en petites plaques de 10*10, œuvre du sculpteur Ardennais Éric Sleziak. Pas mal comme mécano. C’est en regardant la rue par la vitrine du troquet qu’une affichette attira mon attention. Elle était à l’envers mais j’étais suffisamment proche d’elle pour lire la description par transparence. Une photo magnifique en noir et blanc du photographe Maxime-Hervé Chicard pour illustrer une exposition le concernant (Lettres d’Elles) au musée Verlaine de Juniville, non loin de là. Le modèle pose la joue droite , la tête penchée d’un air espiègle, sur une immense lettre où l’on aperçoit quelques bribes de textes. Une invitation… Je ne connaissais pas l’endroit. Le musée avait ouvert ses portes en 1994 mais je n’y étais jamais allé. C’est pourtant le seul endroit au monde dédié à l’écrivain et le seul édifice,qu’il ait fréquenté, encore debout . On y trouve de nombreux objets lui ayant appartenus. J’avais eu l’occasion de découvrir le musée Rimbaud à Charleville (je le conseille à tous les amoureux du poète). Mais celui de Verlaine, le mal-aimé, non. C’était une belle opportunité à saisir. Verlaine a enseigné 2 ans à l’institution Note Dame à Rethel puis a séjourné deux ans à Juniville où il y avait loué une maison et avait coutume de boire son absinthe à l’auberge du Lion d’Or (au lit on dort) en face de chez lui. Il y achèvera d’écrire Sagesses et y couchera les premiers vers de Jadis Naguère. La ruine de l’auberge avait été racheté en 71 par une habitante d’un village voisin. 30 ans pour la retaper (la ruine, pas l’habitante). Du bel ouvrage. Racheté par la commune, le musée est devenu un lieu artistique où se succède les expositions de peinture, d’art plastique et de photographie. On a beau être à la campagne, on aime la culture dans les Ardennes. Je récupère les loupiots qui trouve l’idée sympa (j’ai la chance d’avoir des enfants assez ouverts d’esprit et puis Verlaine a donné son nom à un lycée de Rethel donc évidemment c’est une figure de la petite ville de Province au même titre que Mazarin et Louis Jouvet…mais c’est une autre histoire) Nous nous pointons 45mn en avance (ouverture de 14h à 18h). Bon, direction le troquet du coin (encore). Je me souviens qu’à Juniville se trouve le Moulin de la Chut, une bonne adresse connue par les pêcheurs amateurs (que je ne suis pas) car possédant plusieurs étangs où la truite et la carpe se reproduisent. Nous sommes bien accueillis par le couple Henry tenant l’établissement. Le mari m‘invite: « si cela vous dit, passez dans la salle arrière, on y expose des peintures, c’est ma femme qui les fait ». « Volontiers, c’est une bonne idée » fis-je en me demandant ce que j’allais bien trouver ici, au fin fond des Ardennes. A ben ça si je m’attendais: des peintures à l’huile de portraits, d’yeux, de mains, de nus et du surréalisme façon Dali carrément. Sans les béquilles et les montres molles mais l’influence y ait flagrante. Ça tombe bien, j’adore Dali. Genre un échiquier, une marionnette humaine, un cavalier vivant, des colonnes grecques, de l’eau où se reflète une carte européenne…surréaliste quoi ! C’est en feuilletant le book de l’artiste peintre que MC Henry nous rejoint pour discuter de ses toiles. Diplômée de l’école des beaux-arts de Reims, elle peint depuis 25 ans et dessine bien sûr depuis toute petite. Elle nous parle de ses sources d‘inspiration (lecture, média) de son goût pour le surréalisme et de son évolution artistique. Je souhaite à chacun la possibilité de discuter ainsi en direct live avec une artiste sur son œuvre. Y a pas mieux pour la compréhension. En arrivant à l’heure dite au musée, nous sommes accueillis par le gardien de ces lieux, 35 ans environ, casquette vissée sur le crâne, queue de cheval, tee-shirt bleu marine et jeans noir, boucles d’oreilles et bague à chaque doigt. Le personnage haut en couleur est en train d’ouvrir les volets des différentes pièces du musée et nous indique les différentes choses à voir sur le site. « On verra pour le paiement plus tard, nous avons le temps » ajoute-t-il en plaisantant. Nous commençons par les expositions. Les photos noir et blanc (une vingtaine) de Maxime Chicard sont effectivement très belles (vous pouvez les voir sur son site), des mots et des lettres entourant de séduisants modèles. Les peintures sont présentées à l’étage du musée et dans une grange annexe. La première expo est de Guy M. (qui a même une galerie aux Etats-Unis) sur le thème de Paris et Venise, tableaux à dominante rouge (le rouge et le beau sont le même mot en Russe nous annonce l’auteur sur sa plaquette de présentation). La deuxième nous offrent l’œuvre de Diego, un jeune artiste qui associe la peinture, le collage, le bois…avec un sujet récurrent dans ces tableaux: une empreinte de pied. Et là encore deux œuvres surréalistes à la Dali… il y a même une béquille… Nous découvrons ensuite le musée avec plusieurs pièces agrémentées de meubles ayant appartenu à Verlaine ou à des proches, des ustensiles de cuisine, des portraits, des reproductions de poèmes, des 1ères éditions, des photos de famille… « Si vous voulez, je peux vous donner des explications une fois que vous aurez fini la visite» nous lance le sympathique guide. Le temps d’installer quelques chaises aussi vieilles que l’endroit et nous voilà, huit visiteurs en tout et pour tout, alignés face à lui , de l’autre côté de la longue table en bois de la petite salle à manger. L’explication devient une conférence, une plaidoirie pour la défense de Verlaine, mal connu car décrié dans la plupart des biographies publiées. Celles-ci critiquent l’homme par une interprétation, une vue tronquée de sa vie et son œuvre, utilisant des raccourcis et des clichés, voyant Rimbaud comme le jeune vertueux et Verlaine le débauché. L’avocat est un passionné. Mystique Verlaine ? Alors qu‘il dédie lors de son séjour en prison à Mons l’un de ses fameux poèmes dit mystique à son pire ennemi Thiers tout en composant des poèmes érotiques ? Lâche Verlaine ? Alors qu’il écrit une ode à Louise Michel et qu’il fuit, oui pour échapper à la déportation pour ses penchants Communards. Si lui est un lâche alors Victor Hugo l’est également sans doute…? Où l’on apprend que Victor Hugo avait pris sous son aile le jeune Verlaine, lui qui a 9 ans (cancre de sa classe) avait osé se moquer du maître en lui envoyant un écrit plagiant et ridiculisant le style du grand écrivain de l’époque et lui demandant de lui expliquer ce qu’il en pensait ! Hugo avait même essayé à plusieurs reprises de rabibocher Mathilde avec son mari chez lui en terrain neutre pour sauver le couple…Hugo encore qui demande à la justice Belge de déménager Verlaine d’une prison sordide à Bruxelles, où il se faisait battre et abuser, pour celle de Mons beaucoup plus clémente pour le poète. Hugo encore qui déclara que les « Poèmes Saturniens » était la plus belle œuvre Française jamais réalisée en poésie. Où l’on apprend que « Verlaine le lâche » était l’un des 6 fonctionnaires de la mairie de Paris à être rester à l’hôtel de ville alors que le gouvernement Thiers s’installait à Versailles lors de la Commune. Où l’on apprend que le bouquet de fleur qui apparaît sur la droite du célèbre tableau de Fantin-Latour, le Coin de table de 1872, a été rajouté par le peintre pour cacher un des protagonistes de la bande qui s’était fâché avec Rimbaud et qui avait demandé à l’artiste de choisir entre lui et l’écrivain. Où l’on apprend que le célèbre passage de chanson d’automne « les sanglots longs des violons de l’automne bercent mon cœur d’une langueur monotone… » a été choisi pour signaler le débarquement car celui-ci devait se passer le 30 mars 1944, date anniversaire des 100 ans de Verlaine, mais que le débarquement a été repoussé 2 fois avant d’être réalisé le 6 juin. A la fin de son élocution (tout à fait participative, ne vous inquiétez pas, style café philo), 1h30 s’était écoulée comme un battement de paupière…Passionnant. Tout en le payant (4 euros par personne, c‘est donné pour la richesse du moment), je lui demande: « mais dis-moi cela ne t’intéresserais pas d’écrire une biographie sur Verlaine toi qui n‘est pas satisfait de celles existantes ». « je n’en sais pas encore suffisamment, un jour peut-être » me répond-il modestement. Et j’apprends que l’homme n’a pas fait d’études de lettre mais qu’il a quitté l’école à 16ans, qu’il allait répété avec son groupe de musicien, genre métal - électro - rock progressif à 18h après la fermeture du musée. Il est batteur, aime Genesis, Asia et Rush (moi qui est dédié un blog sur le groupe Canadien très mal connu en France !) et qu’il a même une batterie équipée à la Neil Peart à 360°, ce qui lui a valu un déplacement de vertèbre ! Nous sommes repartis sous la pluie crachouillante. Je ne connaissais pas Verlaine mais la visite et la conférence associée (c’est ce qu’ont le plus aimé les enfants d‘ailleurs) m’ont donné l’envie de lire l’œuvre du poète à l‘origine de la rupture de l‘utilisation classique de l‘alexandrin. « C’est le plus beau compliment que tu puisses me faire » me dira notre guide avant de se quitter. Allez rendre visite à Mme Henry au Moulin de la Chut à Juniville dans les Ardennes et non loin de là visiter ce petit musée de Verlaine, découvrir ce lieu riche en histoire et son guide passionné., que vous soyez grand fan du poète ou comme moi un éternel candide. Ce sont les belles rencontres qui font les plus beaux souvenirs.

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