Quantcast
Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Je déteste les lapins ou les tribulations d'une citadine aux champs par Machja

$
0
0
Avant, j’aimais bien les lapins…. Je ne parle pas de Bug’s Bunny ni des lapins de Play Boy. Je parle des vrais, des petits lapins sauvages qu’on voit parfois détaler furtivement entre deux buissons, le matin très tôt, de ces animaux si attendrissants avec leurs grandes oreilles de velours, leur pelage si doux, leur petit derrière frétillant… Il y a peu de temps encore, quand je les surprenais, jouant à saute-mouton dans la clairière, j’en avais presque les larmes aux yeux : c’était une scène de l’enfance du monde à laquelle j’avais le privilège d’assister, et je la racontais à qui voulait l’entendre, la voix tremblante d’émotion... Oui mais ça, c’était avant. Avant que je prenne les lapins en grippe ! Je vous raconte. Prenez une citadine (moi, bien sûr !) qui a toujours rêvé d’avoir un jardin sans jamais parvenir à réaliser son rêve. Des amis, compatissants, mettent à sa disposition un bout de terrain, à proximité d’une pinède. Elle a la fibre écolo mais elle ne connaît rien au jardinage, n’ayant jamais pratiqué. Alors elle harcèle les jardiniers, les vrais, elle hante les jardineries et les sites de jardinage. Elle bouquine aussi, comme si on pouvait apprendre à jardiner autrement qu’en mettant les mains dans la terre et en expérimentant ! Faut dire qu’elle a des excuses : son frère a appris la valse par correspondance, alors, pourquoi n’apprendrait-on pas pas le jardinage dans les livres ?… Elle se lance dans l’éco jardinage, économise l’eau, bannit les pesticides, herbicides, fongicides et tous ces trucs mortifères en « ides », elle composte, elle paille… Et puis la voilà qui se met dans la tête de faire un potager, qui commence à rêver de tomates goûteuses, charnues, avec des noms à vous faire voyager et saliver: Rose de Berne, Noire de Crimée, Miel du Mexique, Red Zebra, Téton de Vénus, Olirose de Saint Domingue… Mais le sol est ingrat : sable et cailloux. Qu’à cela ne tienne, on fera des lasagnes. Mais non, pas des pâtes ! De la culture sur lasagnes, qui fait (presque) tout pousser sur des sols impossibles. Je vous expliquerai si ça vous intéresse, mais il vaut mieux lire « l’art du jardin en lasagnes » de J.P.Collaert (Edisud). Et la voilà qui plante: basilic, tomates, salades, céleri, ciboulette, courgettes, et puis des fleurs aussi, pour faire joli et pour éloigner les prédateurs et les maladies. Une merveille ! Les plants de salades n’ont pas résisté 24 heures. Ratiboisés, coupés net. Devinez pourquoi… ou plutôt par qui … Mais les plans de tomates, eux, grandissent, se développent, prospèrent, produisent tellement qu’au premier coup de gros mistral tous les tuteurs s’effondrent sous le poids des fruits. (Parce que, quand même, vous savez que la tomate est un fruit?) Notre jardinière en herbe ne se décourage pas, elle redresse les tuteurs, soutient les tiges, paille parce qu’il fait très chaud, surveille la couleur de ses tomates, joufflues, énormes, mais …toujours vertes: il paraît que ce n’est pas une année à tomates. Et puis les voilà qui rosissent, rougissent, mûrissent… Enfin ! Tous les jours elle guette le moment où elles seront à point, où il suffira de les toucher pour qu’elles tombent, chaudes et odorantes dans sa main éblouie. Bernique ! Un soir, prête à récolter, elle ( enfin moi) découvre le massacre : presque toutes ses tomates entamées, grignotées, rongées, portant la trace de deux incisives bien affutées inscrite dans leur chair si tendre… Le forfait est signé. Vous le saviez, vous, que les lapins aimaient les tomates ??? Le thym et le serpolet, ça ne leur suffit pas à ces morfales? Qu’ils boulottent mes plants de salades, passe encore, je n’avais pas eu le temps de m’y attacher, mais mes tomates ! Comme dit St Ex. (enfin presque) : « C’est le temps que tu as perdu pour ta tomate qui fait ta tomate si importante ». Il lui vient des envies de meurtre. Des images de lapins rôtis, farcis, à la moutarde, aux champignons, de lapins dépecés, écorchés, de manteaux en peau de lapin, que sais-je encore, défilent dans sa tête. Que faire ? Soudoyer un renard, trouver une fouine, lâcher un lapin porteur de la myxomatose ??? Pactiser avec les chasseurs du coin ? Ah non, ça, jamais ! Et puis ma colère est retombée. J’ai cueilli avec tendresse ce que ces salopiots de lapins m’avaient laissé de tomates consommables, tout en souriant intérieurement. Après tout, ils étaient chez eux. Faut savoir ce qu’on veut dans la vie : avoir la chance de vivre à proximité de la nature, ça a un prix. Je me suis dit que, pour une citadine écolo, vivre à proximité d’une ribambelle de lapins gourmands valait bien le sacrifice de quelques tomates… Je laisse bien les chenilles grignoter les feuilles de mes arbustes pour leur donner une chance de devenir papillons… Oui, mais attention, l’été n’est pas fini, et de nouvelles récoltes m’attendent. Alors, demain, c’est sûr, je mets mon potager en cage.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Trending Articles