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Bruant Zizi par Cherenko

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Il pleut si tant, et ça dure depuis si tant longtemps, qu’on peut maintenant envisager lucidement que ça va durer toute la vie et peut être même aussi toute la mort, parce que s’il y a une suite à l’histoire on ne voit pas bien pourquoi on changerait de saison, ne serait ce que pour le raccord. Comme j’avais pas mal de migraines ces derniers temps, j’ai du passer une imagerie par résonance magnétique pour savoir si mon cerveau n’était pas en train de prendre l’eau. Le diagnostic a été rapide. Il n’y a en effet aucune autre complication que celle ci : mon cerveau a pris la forme d’un parapluie à 16 baleines qui s'est déployé tout à son aise. Le médecin a été formel : - C’est inopérable » Et assez pessimiste : - Il faudrait au moins trois étés qui se touchent à chaque extrémité pour qu’il se referme» C’est mort. Il semble que ce parapluie serve uniquement à protéger mes pensées. Mes pensées ont toujours été assez sèches, et le climat tempéré de mes humeurs leur a permis de garder une température constante. Elles n'ont encore jamais eu à subir d'inondations, ce serait d'ailleurs catastrophique car elles n'ont jamais appris à nager. J’ignore comment obvier à cette métamorphose. Tout ce que je sais, c’est que cela obombre mes pensées et que depuis que j’ai appris cette chose là, je matagrabolise. J'ai le sentiment d’habiter un pandémonium. Hormis les migraines, comme vous pouvez le constater par vous même si vous êtes capable de discernement, j’écris des mots fuligineux, très loin de l’atticisme. Je suis en train de devenir une gourgandine du bout rimé et c'est assez affreux. J’ai rencontré Bruant Zizi alors que mon cerveau avait déjà pris la forme d’un parapluie. Il s’appelle Albert, mais personne ne dit jamais Albert. On dit Bruant Zizi. Lorsqu’il est né, Albert a chanté comme un oiseau, et comme son père était ornithologue de passion et de métier et qu’il n’appréciait pas que sa femme ait donné à son fils le prénom de leur chauffeur avec qui elle avait couché dix ans avant, il l’a tout de suite appelé Bruant Zizi. Je suis très contente parce que j’écris à nouveau normalement des choses que tout le monde comprend sans aller fréquenter les salonnards invités par les collectionneurs de spicilèges. Je déteste ces nidoreux qui arrivent toujours à point dans les salons pour faire mousser leur lexicité. J’aime les simples barbotages de proximité, les petites conversations entre trois pas perdus, les tu vas bien ça pourrait être pire si au moins ça était. Bruant Zizi dit que c’est faux. Il est persuadé que je continue à faire ma gourgandine huchée et que cette histoire de parapluie est arrivée comme marée en carême pour la fête du boxer. « Fréquenter une fille qui a un cerveau à 16 baleines déployé en urgence parce qu’une grappe de pensées, gonflée d’humidité, lui est montée à la tête et qu’elle se prend maintenant pour une esbrouffeuse à baragouin sophistiqué, et en plus par temps de pluie, c’est fête à la maison ». Après un nouvel examen qui vient de confirmer l’existence absolue du parapluie (il paraît qu’il est jaune et couvert de petits éléphants gris), je suis un peu déprimée car il est clair que je ne sécherai jamais. Aucune explication plausible n’a été avancée concernant le lien qui existe entre le parapluie et le langage lourdingue qui escare la légèreté habituelle de mon jaspin. Je ne cause plus : j’éclaire la couleur, j’alourdis le propos, j’accouche de salamalecs enchifrenés. C’est Bruant Zizi, mon cuicui à boxer, qui a fini par établir le lien. Il a demandé à ce qu’on refasse une radio. Il est nettement visible qu’une des baleines est en contact avec une partie très intime de mon cerveau et pas la moindre puisque c'est celle qui dicte mes conduites sexuelles. A partir de là, il suffit de faire fonctionner un peu sa machine à hypothomes : lorsque cette partie du cerveau n'est pas sous pression, son langage reste simple : oh, ah, ah, oh, ah, oh, oh, encore, ici, plus bas. Lorsque c’est l’inverse (étant entendu que la pression peut venir d’un parapluie, mais également de tout autre objet, réel ou imaginaire) la partie pressurée, inquiète de ne plus exercer convenablement ses fonctions, se met en mode embistrouillade afin de permettre à tous les Bruant Zizi, ces échaudés de la sophistication, d’être sensibles à l’appel de la femelle que je suis. Tout ça est certes un peu embrouillaminé mais il faut bien faire avancer l’hypothèse si je veux avoir un jour encore le bonheur de faire l’amour sans avoir à chaque fois à demander qu’on m’entourloupe les hormones avec des laïus adaptés à mes tuyaux et sachant converger avec panache vers les point G de mon labyrinthique réseau intérieur. Mais ça semble peu probable. Le ciel est noir comme le cul du diable, il pleut du jus de chapeau et je me caille le résiné.

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