Mis aux arrêts, au bord de l'étouffure l'esprit reste encore et toujours tête chercheuse.
Seul interstice de lumière et de vie par la fenêtre ridicule, cet arbre en face de moi.
Il paraît si détaché au-delà de mon enfermement et pourtant prisonnier lui aussi, enraciné dans son ici et maintenant.
Je le hais cet arbre. Je le hais comme mes chaînes et mon carcan. Pourtant il reste le seul objet sur lequel projeter ce qui me reste de conscience, où exercer une pensée têtue qui se désire combattante.
Il y a ses feuilles, innombrables (il faudra pourtant les dénombrer), ses couleurs (teintes capricieuses et changeantes, aubaine de la lumière qui rythme les heures), ses petits fruits ronds à peine formés (pour bientôt attendre, soupirer, les voir se détacher et chuter lourdement vers un ailleurs inaccessible).
Faudra-t-il apprendre à l'aimer, ou pourrai-je me contenter d'y pianoter mes dérives mentales de bagnard ?
Devrai-je en faire un ami, lui qui seul sera témoin de mes tour à tour furibonds, démons, attendris, suspicieux, fous déments, insomniaques, à l'affût ?
J'ignore le nom du plus simple de mes voisins et ne reconnais plus le mien qui sonne faux à force d'être martelé. Tare indélébile.
Verrai-je son aspect encore si innocent et tendre, se modifier et raidir à mesure que mes mots l'useront sans vergogne, s'acharneront à y chercher une vérité qui s'échappe ?
Car elle s'échappe bel et bien, de jour en jour, d'heure en heure, de seconde en seconde même.
Et s'il devenait le miroir de mes embardées, s'il se tordait tel un vieillard grimaçant, si j'en faisais un décharné battu par les vents ? S'il devenait reflet féroce, qu'en ferais-je, qu'en saurais-je finalement...
Pour ne pas sombrer dans la folie il faut m'y accrocher, voilà mon grand tout désormais.
J'aspire à la plus intense des sobriétés.
Je clouerai un poème imaginaire à son écorce généreuse et l'apprendrai encore et encore dans le seul but de le réciter à qui voudra bien l'entendre. J'imaginerai l'Autre.
Un doute me traverse parfois. Il trahit ma volonté qui menace de s'effondrer : "alors c'est vrai, c'est placé là exprès ?"
Peut-être...à dessein...
Dans l'ombre de leurs ricanements ils auraient prémédité juste ce qu'il faut de surnage à nos pensées, nous autres murés là à courte ou infinie échelle, à la mesure insensée de nos peines et de nos chagrins !
Non.
Ne pas penser à cela, ne pas chuter ni faiblir.
Lever le regard et l'exiger renouvelé autant qu'il sera nécessaire, avant l'après qui tarde déjà.
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