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I' Usurpatrice par Annaconte

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J' ai toujours un peu regardé avec étonnement et un brin de suspicion, ces grandes familles qui traditionnellement se réunissent une fois tous les cinq ou dix ans, si ce n'est pas chaque année pour les plus assidues, ban et arrière-ban de tout l'arbre généalogique, de l'arrière-arrière- grand-mère, douairière sous son grand chapeau, assise au premier rang, au petit dernier sur ses genoux et tous les autres autour, pour une photographie qu'on ne manquera pas de réussir après maintes tentatives, pour obtenir que tout le monde affiche un grand sourire fraternel. -Un pur cliché quoi !- Je ne vous le cacherais pas, si je me moque un peu c'est que j' ai toujours eu une furieuse envie d'en être ! et comme je n'en suis pas, je me contente des récits que m'en font mes amis bienheureux, et cela ressemble à s'y méprendre à un de ces films merveilleux, vous voyez n'est-ce pas, sur fond de campagne idyllique, de petit manoir bien entretenu, de tables sous les frondaisons, de nappes blanches, de jeunes filles en fleurs, de chérubins rieurs et souvent blonds, de séances nostalgie, d'albums souvenir qu'on se passe de mains en mains, de chants qu'on partage, de larmes en se quittant et des promesses de se revoir bientôt. Et la bénédiction du curé invité pour l'occasion. Ambiance Milou en mai, ou les retrouvailles, petits déjeuners Ricorée, un véritable Dimanche à la campagne à la Tavernier, un magnifique tableau de Renoir père, ou une belle Partie de Campagne à la Maupassant pour le décor. Tout est dit. Un atmosphère chaleureuse, un vrai remake de François, Vincent, Paul et les autres mais entre cousins cette fois. Une véritable famille ! (Bien loin -on l'espère- du terrible Festen de Vinterberg et c'est tant mieux ! cela gâterait tout !) Mon air narquois devant ces fameuses Cousinades tient simplement que je suis probablement jalouse de ne pas appartenir à l' une de ces familles là. Chez nous, les cousins, il y a longtemps qu'on les a perdus de vue. Seuls les enterrements nous rassemblent. Et puis on n'a pas d'enfants vraiment blonds. Et puis de toutes façons, chez nous, on est plutôt Sardinades. Si je vous raconte tout cela, ce soir, c'est que désormais je ne pourrais plus dire que les Cousinades je ne connais pas ! Ce matin, alors que je m'étais arrêtée sur un banc de pierre, auprès d'une petite chapelle que j'aime bien, pour son calme et son parc ombragé, et que, plongée dans un livre, je profitais de la fraîcheur des bois et du chant des oiseaux, toute à mon bonheur d'être là, seule, en cet instant de grâce, un monsieur s'est soudain présenté, aimable et charmant, et a décliné devant moi, sans manières et sans autre forme de procès, son nom de famille. Comme cela. Abruptement. La main tendue, il attendait visiblement de moi que je me présente à mon tour. Interloquée, j'hésitais quelques secondes, quand il précisa à mi-voix qu'il était là pour les Cousinades. En effet, tables et chaises blanches étaient déjà disposées, sur l'herbe, et attendaient visiblement des convives. Mon monsieur était le premier. Or, lui, à n'en pas douter, crut qu'il était le second. Alors je n'ai pas hésité plus longtemps. Je n'ai eu qu' à emprunter de façon très naturelle le même patronyme que le sien, suivi de mon prénom. Il n'en fallut pas davantage. J 'étais adoptée, nous étions désormais des cousins . Il m'a serrée dans ses bras. Et m'a même présentée aux nouveaux arrivés. Tout le monde m'a accueillie avec bonhommie et gentillesse. Je n'ai pas eu à trop mentir. On ne m'a rien demandé. Le repas sous les arbres était exquis. Il y eut des rires, des enfants, une arrière-grand-mère, des chants, un petit sermon de monsieur le curé, et puis il y a eu le moment de la photographie de groupe. C' est là que, discrètement, je me suis éclipsée. (La part de fiction et de fantaisie m'appartient, à vous de prendre ou de laisser....)

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