Oblivion : joublie, joublie
Oui, je sais, Oblivion est un titre dAstor Piazzolla, pas de Gotan Project, mais il ne métait pas possible de rendre hommage à ces deux grands maîtres du tango argentins en même temps. Je les aime autant lun que lautre.
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Il se passe de drôle de choses, parfois la nuit, sous un abribus perdu de la campagne bretonne, situé sur la presquîle de Crozon
Ah
! Crozon, ça vous dit quelque chose
!? Et Crozon en août , vers les 6-8 du mois
vous êtes au courant de ce qui sy passe ? Une sorte de raz-de-marée annuel qui na rien à voir avec la météo locale. Quelques chiffres : 60 000 visiteurs, 15 000 véhicules, 14 000 campeurs qui viennent sagglutiner dans un lieu-dit de 60 ha : « La prairie de Landaoudec », pour le Festival Du Bout Du Monde.
Et donc pour en revenir à labribus, si vous étiez passé devant sur le coup de 2h 17 du matin, vous auriez pu voir une petite dame en train de faire un strip-tease éclair en se fichant pas mal du regard oblique des passants qui dailleurs, à cette heure-là, avaient cessé de passer. Sa seule préoccupation du moment était de changer de vêtements pour être au sec, car, il faut le savoir : sur la presquîle de Crozon, la deuxième spécialité après le Festival, cest le crachin.
Dix heures de crachin, ça finit par vous imbiber jusquà la moelle et vous plomber le moral. Jusquà minuit, la minette (qui ne lest plus tant que ça), avait tant bien que mal réussi à le maintenir, son moral, avec des hauts, grâce aux accords hispaniques et ensoleillés du groupe El Bicho, et des bas, à cause de lindigence des paroles chantées par une nouvelle star française dont on taira le nom espagnol et ensuite à le retrouver totalement et au-delà pendant le sublimissime concert de Gotan Project.
Parce que cétait surtout pour ce groupe, Gotan Project, quelle était venue dans ce bout du monde, des années quelle en est folle, quelle est passionnée de tango argentin, quelle écoute leur musique chaque jour, quelle connait tous leurs morceaux. Elle avait parcouru 200 kms pour eux, et comptait bien les refaire dans lautre sens après le concert, pensant que celui-ci se terminait en fin daprès-midi.
Ca, cétait sa deuxième erreur, elle navait pas assez creusé la question pour savoir que son groupe nétait programmé quà
23h et elle était arrivée sur place à 14h. Peu importe, sétait-elle dit et elle ne lavait pas regretté une seconde pendant presque deux heures de joie pure, de transe-même, nayons pas peur des mots, serrée de toute part par une foule en délire, emportée, ballottée, tiraillée par mille danseurs improbables dans une milonga improvisée sous un ciel criblé de pluie. Elle avait usé de toutes les ruses pour se faufiler au plus près de la scène et son cur battait au rythme des percussions dEdi Tomassi, sous les accords brutaux des basses, marquait le tempo avec Gustavo Beytelmann au piano, chavirait au son du violon de Line Kruse et du bandonéon de Nini Flores et vibrait en chur avec la voix chaude et profonde de Cristina Vilallonga. Elle était impressionnée par lélégance de ces musiciens, en costumes et chapeaux de feutre, par la mise en scène soignée agrémentée de projections dimages montrant lArgentine dans tous ses états, entre cartes postales et extraits documentaires militants. Tout cet univers que lon retrouve au sein-même de leur répertoire de chansons.
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Sa toute première erreur, celle qui va avoir pour elle la conséquence de se retrouver à 2h du matin, trempée et le moral très affaibli, sous un abribus, cétait davoir « distraitement » noté dans un coin de sa mémoire un certain numéro 4 qui était placé sur une barrière « à proximité » du parking, et puis elle avait suivi la foule
(à droite en sortant ? à gauche ?...)
A minuit, sortie du concert, yavait encore Les Tambours du Bronx à passer, mais bon
après le tango, faut pas tout gâcher ! Par une sorte dintuition venue dailleurs, elle sest dirigée sans état dâme vers la droite sur le chemin qui borde les parkings. A sa grande stupeur, elle a découvert que des parkings, il y en avait beaucoup, beaucoup
(17, on lui a dit, après !) mais pas de numéro 4.
Elle a serré les dents, a fait demi-tour. Oui, un espoir, le parking 4 existait. Sous un crachin assez serré à ce moment-là, elle a arpenté les rangées de voitures, en commençant par la plus probable, il y en avait dix de 100 m de long. Rien. Un doute sest immiscé en elle
la pluie aussi. Sans broncher, enfin
elle les a reparcourues dans lautre sens. Idem pour les parkings 5, 6, re-4 (des fois que
). Et puis elle a cru être victime dhallucination en apercevant, dans la brume épaisse et humide (très), deux cavalières au bout des allées, nen croyant pas ses yeux, elle a couru vers elles, cétait la garde montée du festival. Elle leur exposa alors son problème. Les gardes lui proposèrent de se reposer sous labribus pendant quelles partaient à la recherche de son véhicule.
La recherche dura une bonne ( !) heure
sans résultat. Il était 3h du matin. On lui dit de sadresser au bureau de lorganisation des parkings.
Après ces longues heures de solitude aussi désespérées que dégoulinantes, ce local en Algéco remplis dêtres humains , prêts à lui venir en aide, à lui offrir un café bien chaud et
une chaise, apparut à la malheureuse dame comme le paradis sur terre. Pendant deux heures encore, en équipe de quatre bénévoles, les recherches se poursuivirent. Pendant ce temps, dans lAlgeco, les blagues fusaient pour dérider la dame, il faut dire quà cette heure de la nuit, et si lon considère la quantité dalcool qui est ingurgitée par les festivaliers sur le site, ce local se transforme vite en bureau daide sociale, en infirmerie de dernière heure, ou en bureau des réclamations
Cest ainsi que la dame put constaté quil y avait cette nuit-là un cas plus désespéré que le sien, enfin
momentanément : un type, lui, ce nétait pas sa voiture quil avait paumée, cétait sa copine. La voiture, il lavait, il savait où elle était, mais il ne pouvait pas sen servir, vu que cétait sa copine qui en avait les clés, et sa copine, il lavait perdue dans la foule du camping, et il ne savait pas où était sa tente. Elle campait avec des copains et lui devait rentrer en voiture à Brest et il ny avait plus aucun moyen de locomotion.
Terrible, non ?? Un des bénévoles a suggéré que lui et moi pourrions régler notre problème ensemble en faisant réquisitionner une chambre dhôtel par la gendarmerie
!!! Et ça rigolait, et ça rigolait !
Mais quand la patrouille de recherche est revenue bredouille, ça rigolait plus du tout, la petite dame sest mise à pleurer en se voyant seule dans la nuit, sous la pluie (toujours) et sans abri car les bénévoles allaient fermer leur bureau et rentrer chez eux.
Alors, un des hommes qui devait être plus têtu que tous les bretons de la terre a voulu refaire une nouvelle tournée, ce coup-ci avec elle et sa clé de voiture qui déclenche louverture en allumant les feux. Ils sont repassés aux endroits les plus plausibles et à 5h du matin, juste avant laube, des petites lumières ont clignoté dans le parking 6 au bout de la rangée du milieu.
Partie de chez elle vers 11h du matin, le vendredi, elle nest rentrée que le samedi vers 8h,
sans pouvoir prévenir chez elle car son portable était déchargé
elle a eu bien du mal à faire croire à cette histoire !
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