Ce matin je préparai de la confiture des coings. Ma technique saffine, jinnove de plus en plus et ça ma paru plus facile que dhabitude. Il faut dire que la confiture de coings cest toute une histoire...Et cest alors que jai repensé à ce com édité il y a un an et à une belle personne qui me la inspiré.
La belle personne existe en un peu plus âgée. A l'époque, elle avait été étonnée et touchée que je me rappelle autant de détails de ces moments partagés. Mais comment oublier ces moments là ?
Le com lui a été juste effacé. A défaut de nouveauté (le quotidien est parfois gourmand en temps et en inspiration), il me prend lenvie de le rééditer. Histoire de partager un instant et encore une fois ces bons moments avec vous et peut-être de vous permettre de vous faire ressouvenir de vos bons moments à vous.
« Elle était restée éveillée dans le lit comme presque chaque matin, à écouter les pépiements des oiseaux et de temps en temps les criailleries dune voisine : « Comment ça va ce matin ? - pas encore trop chaud -cest le bon moment pour aller au champ !» elle avait entendue leau couler, la porte du bas claquer plusieurs fois, sa grand-mère était éveillée depuis bien plus longtemps, les marches de lescalier en bois avaient résonné très tôt ce matin mais elle sétait rendormie.
Pas de sur à lhorizon, alors elle profita de la fausse pénombre pour détailler encore une fois la chambre et surtout cette armoire sombre au miroir qui la fascinait toujours autant. Quand on louvrait, ça faisait couiiiiic, sur un ton plus aigu que les volets en bois quelle nallait pas tarder à ouvrir eux-aussi.
Elle sauta alors à pieds joints sur le lino et écarta les volets avec application, dabord les plaquer contre le mur et puis les coincer avec le petit bonhomme de chaque côté, hop têtes en haut.
Le paysage navait pas changé et cela la rassurait. Toujours le même jardin-potager débordant de laitues, de tomates et dharicots verts, toujours les mêmes maisons hautes et blanches, toujours les mêmes voisins-voisines qui revenaient des champs avec leurs sauts pleins de légumes ou leurs arrosoirs chargés à bloc. Des allers-retours incessants qui rythmaient le pas des journées, entrecoupées par le tut-tut matinal du laitier qui apportait le pain également. Cet après-midi il repasserait et peut-être quon aurait droit au Mikko. Celui au chocolat, le gros, avec des pépites...
En quittant la chambre, elle ne put sempêcher de regarder la gravure au dessus du lit, cette gravure qui lapaisait tant. On y voyait une maman avec deux enfants, une maman au doux sourire qui regardait tranquillement ses enfants jouer devant elle, une maman de rêve... Et cest comme ça que des années plus tard dans un musée parisien, elle verrait et choisirait sans réfléchir une reproduction dune autre maman de rêve, qui était encore plus bleue que loriginale, en un peu plus déshabillée et dune douceur à faire sourire les plus endurcis... Maternité de Picasso.
En descendant lescalier en bois bien raide quelle navait jamais osé dévaler à toute vitesse, elle perçut une odeur persistante qui se confirma dans la cuisine.
Sa grand-mère était devant lévier qui fumait dune étrange manière. Lodeur, non la senteur collante et sucrée sy trouvait confirmée.
Elle la voyait étaler un linge, ce linge dont elle apprendrait plus tard avec étonnement et ravissement quil avait servi à la langer et elle comprenait pourquoi, il était dune finesse et dune douceur incomparable et devant elle, il se présentait totalement blanc et immaculé.
A côté de ce linge, une énorme bassine à la vapeur étourdissante.
- Mamy, quest ce que cest ?
- Coucou ma grande... ce sont des groseilles.
Et Mamy Hélène prit une énorme poignée de fruits encore accrochées à leurs tiges et les mit au centre du linge. Celui-ci se mit à rosir instantanément, mais lopération nétait pas vraiment finie.
Elle vit sa grand-mère refermer le linge, de sa main gauche le tenir en lair et la droite se refermer sur la poche ainsi formée et la presser sans attendre. Elle ne savait pas par quoi elle était le plus fascinée, par le stoïcisme de sa grand-mère qui semblait ne pas sentir la brûlure des baies encore chaudes, par ses mains larges et puissantes dont les paumes étaient striées de tous les travaux ménagers et des champs quotidiens, ou bien par le liquide dune transparence et dun rose infinis, liquide qui sécoulait pur et violent dans les bocaux venant dêtre stérilisés.
Petit à petit, les verres se remplissaient tandis que sa grand-mère rejetait régulièrement le mélange peu appétissant qui restait au centre du linge. La vision, lodeur et la chaleur était écurante et prenante.
Toujours elle se souviendrait de ce rouge qui nen était pas un. Rouge groseille... Plus tard, elle serait tout autant fascinée par le rouge de la framboise un peu plus mûr, par le violet des quetsches accrochées à larbre, par le noir du rouge des mûres et puis aussi par la saveur laiteuse incomparable des fraises écrasées dans la crème. Quand ce nétait pas la couleur affolante dun tendre orangé des confitures de coings, et leur odeur, et leur saveur douçâtre sous la langue.
Et en ce moment, quand elle peinait sur le tranché dun coing récalcitrant, cest à Mamy Hélène quelle pensait, Rouge grand-mère... »
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