Nétant ni un amateur ni un consommateur de vin, je ne suis pas porté à défendre les viticulteurs et encore moins les négociants de vins, dautant plus je peux mesurer les effets ravageurs de lalcoolisme. Pourtant, il y en a un que jaimerais défendre parce quil est victime dune sorte de logique bureaucratique implacable.
En effet, Emmanuel Giboulot, viticulteur de cinquante-deux ans, se retrouve dans le box des accusés au tribunal correctionnel de Dijon ce lundi 24 février 2014 après-midi. Lenjeu nest pas mince pour lui puisquil risque six mois de prison et trente mille euros damende.
Ce quon lui reproche ?
De ne pas avoir pulvériser des pesticides sur ses vignes près de Beaune, en Bourgogne. Sa production correspond à peu près à trente-huit mille bouteilles par an de treize vins différents.
Larrêté préfectoral numéro 322 du 7 juin 2013 avait rendu obligatoire cette pulvérisation par prévention contre la flavescence dorée, une maladie grave et contagieuse de la vigne. Et ce viticulteur avait refusé de faire ce traitement préventif car il la considérait inutile. Il a reçu déjà plus de quatre cent mille signatures de soutien par une pétition et trente-cinq mille soutiens sur facebook.
Pourquoi ce traitement préventif est inutile mais pire, dangereux ? Parce que le viticulteur avait combattu cette maladie par dautres armes, plus compatibles avec le respect de lenvironnement. La pratique du bio dans la maison familiale date de quarante-cinq ans. Cela fait trente ans que le viticulteur pratique lui-même cette forme de viticulture.
Il considère que lobligation de traitement massif nétait pas justifié en Côte dOr car on ny a détecté que trois cas liés à des greffes sans foyer de contagion.
Emmanuel Giboulot reste raisonnable et nest pas un jusquau-boutiste : « Moi, je ne suis pas casse-cou. Si demain, on a un foyer qui explose près de chez nous, daccord. Mais il faut que ça se justifie ». Il refuse même dattaquer ses collègues qui pulvérisent massivement des pesticides : « Je nai jamais eu une attitude de frondeur vis-à-vis de mes collègues. Cest par une prise de conscience individuelle que les choses peuvent évoluer, et en aucun cas tel leader qui va donner la direction. Il ne sagit pas de stigmatiser les uns ou les autres ».
Pour lui, il y a dautres possibilités pour éviter la flavescence dorée : « Lidée, cest de mettre en uvre un ensemble de choses pour éviter que la maladie ne se développe. (
) Par exemple, on laisse les contours [des vignes] enherbés, on ne les tond plus. Ce sont des idées qui sont véhiculées par la biodynamie, où on parle souvent de rythmes, daller au bout dun cycle. On dit notamment que cest important quil y ait des fleurs dans lenvironnement ».
En effet, les prédateurs des parasites mangent du pollen autour des vignes. Autant donc les attirer pour éliminer les scaphoideus titanus (cicadelles de la vigne), des insectes vecteurs qui transportent la méchante bactérie phytoplasmique responsable de la flavescence dorée.
Pour Emmanuel Giboulot, les insecticides ne sont pas efficaces et peuvent être particulièrement dangereux à lhomme : « Jai des témoignages de gens à Sauternes qui traitent quatre fois par an et ils ont toujours de la flavescence, toujours de la cicadelle. Et limpact sur lenvironnement et la santé ? Il y a des couples qui narrivent pas à avoir denfant. Les médecins disent : "Changez de région si vous voulez avoir des enfants" ».
Il sinterroge aussi sur le pouvoir du ministre de lAgriculture, Stéphane Le Foll, prêt à favoriser lagroécologie : « On a un ministre qui a une vision courageuse sur lagriculture, mais derrière, rien nest mis en place sérieusement. Les services dÉtat, ladministration, restent campés sur leurs positions. (
) Ou on considère que le ministre est fourbe et sait très bien ce qui se passe derrière, ou effectivement, il narrive pas à faire passer le message ». Jai une petite idée personnelle sur lhypothèse à privilégier !
Le problème dun traitement chimique massif, cest quon casse les équilibres biologiques : on tue la cicadelle mais comme cest aussi un prédateur dacariens, les vignerons sont obligés de faire deux autres traitements insecticides pour éliminer les acariens. De plus, linsecticide le moins polluant détruit les abeilles.
Après avoir demandé devant deux cents personnes ce quon risquait de ne pas faire le traitement, le viticulteur a été contrôlé le 30 juillet 2013. Il a été convoqué au commissariat de Beaune le 5 octobre 2013, puis chez le substitut du procureur de Dijon le 12 novembre 2013. Son procès commence le lundi 24 février 2014 à treize heures trente.
(Source : Nouvel Obs).
Larrêté préfectoral du 7 juin 2013 :
http://minilien.fr/a0o0uu
La convocation :
http://www.bastamag.net/IMP/png/edeefede_51200x1.png
La lutte bio :
http://minilien.fr/a0o0uv
Une thèse remarquable sur linsecte suceur :
http://www.theses.fr/2010BOR21771/abes
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