C'est sur un coup de tête que j'ai décidé ce petit voyage, mardi matin. La veille, il n'était question de rien. Il n'était question de rien d'ailleurs depuis des lustres. J'étais devenue un chantre du voyage immobile. Et voilà que soudain, l'envie d'aller faire un saut "à la Capitale" m'a saisie. Le temps de glisser dans un sac un plan du métro, deux tickets de survie, et un livre en guise de casse-croûte, quatre heures de train plus tard, j'étais accueillie par un soleil radieux, gage d'un séjour parfait ! Devant moi, deux longues journées pour flâner. Clandestinement.
En effet, personne ne sait où je suis. Ni où je crèche. J'ai opté cette fois -crise oblige mais pas que -pour un vieil hôtel -une étoile oui ça existe- au confort plutôt spartiate à trois pas de Bastille. J'apprécie l'inconfort, c'est un de mes malins petits plaisirs. Cela me fait me sentir plus vivante, et me tient en éveil mieux que n'importe quoi. Je ne saurais expliquer pourquoi. Disons que l'inconfort est mon luxe. Je peux me le permettre. Je n'ai jamais manqué de rien. Ou plus franchement, je me contente de peu ! C'est mon côté "ascète"....
Dès que je suis à Paris, à peine tombée du train, en gare de Lyon, depuis toujours, mes pas me portent automatiquement vers le Jardin des Plantes que j'adore. Tout d'abord pour sa proximité, ensuite pour sa modestie, il n'est vraiment pas prétentieux, idéal pour un rendez-vous, on ne peut pas s' y manquer, enfin pour ses merveilleux parterres quand ils sont en fleurs. Simplement enjamber la Seine, piétiner un peu aux feux tricolores, vérifier que le dormeur sous sa cahute de carton est bien pourvu en couvertures, et m'engager enfin dans les allées tranquilles, désertes à cette heure. Ce matin, sous un beau ciel de nacre, un arbre immense et nu héberge sur ses plus hautes branches un groupe de corneilles, cela exige une photographie. Immédiatement s' impose cette mythique scène de cinéma, devant l'école quand les Oiseaux attaquent les enfants et s'accrochent aux blonds cheveux de la diaphane Tippi Hedren paniquée . Tout le monde connait.
Moi je ne risque rien. Je ne suis pas blonde.
Au fond du Jardin, dans la perspective, la Grande Galerie de l' Evolution. J'enfile les quatre étages, somptueux, au petit pas de course, sans état d'âme : je n'ai pas le temps de fignoler ! de toutes façons, j' y suis déjà venue plusieurs fois et je compte bien revenir mais là, j'ai déjà envie de soleil, et vite de me retrouver dehors. Sur les pelouses. De parcourir ensuite la serre tropicale, parmi les orchidées et les lianes, un véritable enchantement ! Depuis un balcon de pierres aménagé au-dessus de cette nature luxuriante, je me tiens comme en contemplation, suspendue, fascinée par l 'harmonie des courbes et tous ces verts qui rivalisent dans des jeux de lumière. Cris d'animaux et chants d'oiseaux exotiques, bruits d'eau et de cascades, en fonds sonore : on s'y croirait. J'ai une pensée mesquine : je voudrais être vraiment riche pour m' offrir une pareille jungle devant ma porte ! Il est vrai que j'ai déjà chez moi, l' agrément d' une véranda et le cd "ambiance véranda" ! un bon début, c'est déjà ça !
Mais je parle, je parle ! je ne voudrais vraiment pas vous ennuyer avec ce fastidieux rapport de ma visite au Jardin des Plantes, ou à la vieille -c'est relatif-, orang-outan de la Ménagerie, Nénette à la si triste figure.. Non, non, je veux surtout vous raconter cet émoi de marcher dans Paris.
Pas tant un émoi d' ailleurs qu'un émerveillement !
En fait, je vais, au cours de mon petit séjour parisien, de surprise en surprise. Déjà dans le train, en face de moi, cette jeune femme silencieuse, plongée dans sa lecture, les jambes repliées sous la banquette, ... à force de la regarder, je lui trouve un air familier. "Presque" familier. Il ne lui manque qu'un chapeau et ce pourrait être Itinerrance. Sur la plateforme, au bout du compartiment, ce papa et son fils qui discutent, assis sur une marche, il me semble les connaître...Ce pourrait être M..... de retour de vacances. Plus tard, à peine arrivée en gare de Lyon, c'est dans le hall que je crois apercevoir Misty, accompagnée elle aussi d'une petite fille adorable..Elle porte une robe fleurie et des paquets dans les bras. La foule ne me permet pas de la rattraper alors qu'elle disparait emportée par l'escalier roulant.
A la terrasse d' un café, c'est une joyeuse bande qui se retrouve pour un pot improvisé, je jurerais qu'il s'agit de Loli Lola, de Malki Milka, et de Lilas Loula et les autres !
En traversant la place de l' Opéra, c'est Smart que je croise. Et Magic plein soleil en remontant le Canal Saint-Martin. Alors que je rejoins Bercy, , c'est xxx et xxxxx (ces fous du volant dois-je vraiment les nommer ???) qui grillent un feu rouge en voiture. J 'esquisse un signe de la main mais les voilà déjà envolés . Sous les Arcades de la rue Rivoli, j'avise la si coquette R.... qui fait du lèche-vitrines. Au Parc de la Villette, devant l'entrée de la Géode, c'est bien Abi et ses garçons qui attendent pour la prochaine séance cinéma. Je le reconnais, c'est sûr, c'est lui. Il me me remarque pas, trop absorbé qu'il est à veiller sur son impatiente tribu !
Je ne vous citerai pas les noms de tous ceux et celles que j'ai croisés dans les couloirs du métro !
Impensable, à croire que tout le petit monde de Pcc s'est donné rendez-vous sur la ligne 14 ! Et dans la rame, même le jeune xxxxxxx déplace ses longues jambes pour me permettre de m'installer, sans toutefois me reconnaitre bien entendu. Je n'ose le déranger de sa lecture. Et ce professeur (on dirait en tout cas un professeur je ne sais pas pourquoi) en face de moi, qui regarde à travers la vitre sale, puis qui se lève, rajuste son manteau, prend sa serviette et sort à la station Pyramides.... n' est-ce donc pas xxxx ? Cette écharpe rouge autour du cou, cela me dit quelque chose .... Et la jolie dame devant le Louvre, si élégante, qui semble chercher quelqu'un des yeux, et se met à courir vers un monsieur qui lui ouvre ses bras ? N'est-ce pas S.... ? Et ces deux là qui se bécotent sur un banc public ?? Et cette autre qui secoue sa chevelure dans la lumière ? et celui-ci qui gesticule sur le parvis de la Bibliothèque de France, et celui-là fébrile, qui téléphone attablé au Flore ?
Rencontres inattendues. Rencontres surprenantes. Illusions. Illusoires...oui et alors ? Au-delà de mon regard noyé d ' étranges brumes, de réminiscences et de confuses souvenances , se superposent, le long des rues, des squares, des rives, sur les visages des passants indifférents et inconnus, les petits portraits flous et incertains des profils de Pcc. De l'autre côté du couloir, dans le bus, dans le miroir de la vitre, j'entr'aperçois vaguement d'hésitantes figures que je crois reconnaitre alors que je ne les connais même pas ....
C'est la première fois que je ne me sens pas seule dans Paris. Paris est habitée soudain par des centaines de silhouettes imaginées que je dessine et que j'invente, malgré moi, comme autant de petits signes et de petits cailloux blancs sur mon chemin..
Au moment de repartir et de quitter la ville lumineuse, ils étaient tous là, sur le quai numéro cinq, à être venus, pour me dire au revoir : " dis, quand reviendras-tu ?" ... Même la séparation ne m'empêchera pas d'être heureuse de vous avoir connus, vous tous.
Désormais je prononcerai vos noms vrais et vos noms d' emprunt sur un tout autre ton. Oui je les prononcerai tout autrement. En riant certainement. Du bon et réel bonheur de nos prochaines retrouvailles.
http://youtu.be/nUE80DTNxK4 Barbara "Dis, quand reviendras-tu ?"
et un peu d'auto dérision !
http://youtu.be/wQFe3A5Rjtk
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