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Les Bâtisseurs d' Empire par Annaconte

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Ils avaient été réveillés brutalement. Quelque chose venait de troubler leur lourd sommeil chargé de lentes digestions acides et éructantes. Ils avaient bien été obligés cette fois d'entendre le piétinement agacé des bottes de métal, les coups de poings sur la porte blindée, et les braillements de colère de cette meute en furie. Ils se croyaient à l'abri dans leur châteaux princiers, derrière les murs capitonnés et dans les hautes tours des Seigneurs. Ils étaient sûrs d'eux et de leurs positions. Ils pensaient qu'ils tenaient ferme les rênes et que personne mieux qu'eux-mêmes ne sauraient porter les négociations et les projets. Ils croyaient qu'ils avaient raison. Et ils avaient alors toutes les raisons de le croire. Cela les arrangeait bien. Les yeux clos, la tête renversée en arrière, dans leurs fauteuils à bascule au milieu des jardins, ils sirotaient tranquilles une petite anisette glacée accompagnée de toasts dégoulinants de caviar Kaspia . Ils les croyaient loin ces troupes bruyantes. Ils n'entendirent rien venir. Ils continuaient de pronostiquer les résultats de la course, et de miser sur un vieux cheval essoufflé qu'on leur avait recommandés. Entre les tapisseries épaisses du Casino, sous les lambris vernis des plus belles salles, ils jouaient aux dés. Ils ne risquaient pas de percevoir la rumeur qui montait de la rue. A peine si cela remuait les voilages des fenêtres et faisait trembler les verres à champagne sur les plateaux dorés. Au-delà des grilles cependant, en prêtant l'oreille un peu, ils auraient pu l'entendre, la colère des petits. Ils auraient du en faisant attention, voir arriver cette grande vague écumante nourrie de larmes et d'amertume, jaillissante et rageuse, qui menaçait de rouler sur eux les nantis, dans une clameur de protestation et de rancoeur. Ils avaient été certains que leur ciel serait clair. Mais ils pouvaient à présent voir sur la place pavoiser et le rouge des feux et le noir des abîmes. Puisqu' ainsi ils avaient voulu le transformer en bête, le monstre convulsif qu'ils avaient enfanté, était à leur porte, et menaçait d'entrer. Sur la pièce de Boris Vian (petite "méditation" sur nos propres monstres) http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Les-Batisseurs-d-empire-ou-le-Schmurz/ensavoirplus/idcontent/29680 lire dans les Notes "Cette pièce pose des questions anthropologiques et sociologiques. Comment l’espèce humaine apprend de son Histoire, qu’est-ce que cette dernière modifie dans les comportements humains ? Et en amont, d’où vient l’absence d’hommes à eux-mêmes, d’un état à lui-même ? Où se perd la considération de l’humain qui est à côté de soi ; Est-ce dans cette perte que nous bâtissons nos empires, qu’ils soient individuels ou nationaux ? Les empires individuels deviennent l’empire de toute une nation. Faut-il affronter son propre Schmürz pour se construire en conscience ? Les questions de la conscience et de la mémoire sont très présentes dans la pièce en tant que vecteurs de responsabilité civique. "

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