J'ai ressenti le besoin d'écrire quelques phrases à propos du téléfilm de France-2 dont les deux derniers épisodes ont été diffusés hier soir. Ressenti le besoin de répondre à un article publié dans ces colonnes et à beaucoup de critiques entendues et lues ces quinze derniers jours.
Télérama a aimé ce film, Libération non. Le contraire eut été étonnant ...
Télérama n'a pas toujours un goût parfait mais sait reconnaître la passion et la sincérité lorsqu'elles s'expriment. Et ce sont bien les deux qualités principales du film de Mordillat. Plein de scories, ici et là, avec certains personnages outranciers ( je pense en particulier au préfet, littéralement monstrueux de bétise et d'indifférence ) ne peuvent gâcher l'oeuvre : incandescente, par certains côtés sulfureuse, mais de bout en bout portée par le souffle de l'épopée.
Je comprends bien que l'on puisse détester ce film. Il n'est pas "distingué", quelques scènes sont triviales et celles et ceux qui aiment un cinéma bien léché, bien polissé, n'y trouveront pas leur compte. Dans le premier épisode, la prédominance des relations de couples, notamment entre les deux "héros" de l'histoire, Dallas et Rudy, m'a d'abord gêné et puis au fur et à mesure du déroulement du film l'enchevêtrement des scènes intimes et des scènes sociales s'est imposé à moi comme une évidence. Car ce film n'est pas une manipulation de concepts et d'idéologies ( ce que Libération, peut-être, aurait apprécié ) mais un film sur des êtres de chair et de sang. Alors, ces êtres, ils ne font pas que travailler. L'essentiel de leur vie est même ailleurs : ils aiment et en souffrent souvent, ils couchent et ils découchent, ils trompent et se trompent, mais ils sont vivants. Avant d'être morts. Et tant qu'ils sont vivants, ils se battent.
Cela bien sur indisposera tous ceux, nombreux hélas, qui ne supportent pas le courage dès qu'il le voit en face, surtout dès que ce courage les regarde, tel une accusation.
Cela bien sur a indisposé Libération, "nommément" mis en accusation par le film : par la une affichant Rudy en pleine page, le journal se comporte ni plus ni moins que comme un indic' des forces de l'ordre.
On pourra aussi plus ou moins apprécier telle ou telle incarnation, déceler quelques faiblesses dans les rôles secondaires, mais le casting dans son ensemble est criant de vérité. Il est rare, il est vrai, que des actrices et des acteurs se mettent à ce point "les tripes sur la table" et c'est le cas, des plus connus, Florence Thomassin, François Morel et Robinson Stevenin aux moins confirmés voire quasi débutants que sont Marie Denardaud ( Dallas ), Patrick Mille ( Format ) ou encore Julie-Ann Roth ( Florence ) ; le "groupe des ouvrières" dans son ensemble est ssez remarquable tant dans ses individualités que dans leur manière de "jouer groupées".
Le passage de ce téléfilm en plein conflit des retraites est-il simplement une coïncidence ? On n'a pas connu jusqu'ici France-2 faire preuve d'une grande maturité politique et sociale et cette diffusion sur cette chaîne étonne ( on l'aurait mieux vu sur Arte ou sur la 3 ). Reste à savoir s'il ne s'agit que d'une "péripétie télévisuelle" ou si ce film annonce les lendemains qui arrivent
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